Constantin le Grand (280 – 337)
Le premier empereur chrétien
Constantin 1er, issu d’une lignée de militaires de fortune, apparaît comme le plus important des empereurs romains, César et Auguste mis à part.
Trois siècles après eux, il a donné une nouvelle jeunesse à l’empire tout en le réorientant vers une religion nouvelle, le christianisme, et en faisant basculer son centre de gravité vers l’Orient de langue et de culture grecques.
Le redressement de l’empire romain
Né à Naissus (aujourd’hui Niš, en Serbie), Constantin est le dernier d’une longue suite d’empereurs originaires d’Illyrie.
Ces hommes énergiques, militaires de modeste extraction, ont redressé le vieil empire à la fin du IIIe siècle, lorsqu’il était menacé par les premières attaques des Barbares. Ils ont fortifié les villes et renforcé les légions des frontières.
Constance Chlore, le père de Constantin, était césar dans la tétrarchie, un gouvernement à quatre institué par Dioclétien en 293. Il avait reçu en partage la Gaule, l’Espagne et la Bretagne et s’était établi à Trèves.
Son fils, né d’une concubine chrétienne,Hélène, témoigne de ses aptitudes de chef militaire. Après l’abdication volontaire des deux augustes (tétrarques principaux) Dioclétien et Maximien, il rejoint son père à York (Angleterre) et recueille son dernier soupir. Ses soldats le proclament alors auguste. Dans le même temps, à Rome, Maxence, fils de Maximien, est proclamé princeps par la garde prétorienne.
Comme la guerre éclate entre les héritiers des tétrarques, Constantin se lance avec ses armées sur Rome, traversant les Alpes au Mont-Genèvre. Il bouscule l’armée de Maxence au Pont Milvius, près de Rome, le 28 octobre 312. Maître incontesté de l’Occident, il convient avec Licinius, son dernier concurrent, d’un partage de l’empire. À lui l’Occident, à Licinius l’Orient.
Naissance de l’empire chrétien
Bon politique, Constantin 1er constate les progrès du christianisme. Il ne séduit encore qu’un dixième de la population de l’empire, surtout en Asie mineure et en Afrique du Nord, mais manifeste un dynamisme étonnant dans les villes. Lui-même se rallie à la nouvelle religion, avec la discrétion qui sied à sa fonction.
t à la politique de persécution de ses prédécesseurs, l’empereur prend le parti de s’appuyer sur la nouvelle religion pour consolider l’unité de l’empire. Le 13 juin 313, de concert avec son homologue d’Orient, Licinius, il publie à Milan un édit de tolérance qui lui rallie les chrétiens.
De façon prévisible, l’entente entre Licinius et Constantin ne dure pas. Dès l’année suivante, les deux hommes s’affrontent. La guerre prend un tour décisif en 324 avec la défaite de Licinius devant Andrinople puis à Chrysopolis. L’empire romain retrouve dès lors son unité sous l’autorité de Constantin.
Devant le succès de la doctrine du prêtre Arius, Constantin s’inquiète d’un schisme qui remettrait en question l’unité de l’empire. Il convoque lui-même unconcile oecuménique à Nicée en 325 pour apaiser les esprits. À la suite de la condamnation de l’arianisme par le concile, l’empereur ordonne l’exil d’Arius. Il inaugure ainsi le césaropapisme, une pratique de gouvernement qui se caractérise par la confusion des affaires séculières et des affaires religieuses entre les mains du souverain.
En-dehors de la légitimation du christianisme, la principale oeuvre de Constantin reste la fondation de Constantinople en 330, en vue de remplacer Rome comme capitale de l’empire. Il s’ensuivra à la fin du siècle
Le pape et Constantin
Après que Constantin a affronté Maxence à l’entrée de Rome, une légende tardive veut qu’il ait été guéri de la lèpre et converti à la foi chrétienne par le pape Sylvestre 1er, évêque de Rome.
Constantin, pour manifester sa reconnaissance, serait allé à la rencontre du pape et, humblement, aurait guidé son cheval par les rênes. Ensuite, il aurait fait don au pape des territoires environnant Rome.
Cette décrétale dite «donation de Constantin» a été opportunément exhibée par les conseillers de Pépin le Bref, au VIIIe siècle, pour justifier les prétentions du souverain pontife, sur l’exarchat de Ravenne, alors possession byzantine. On montra plus tard sans trop de difficultés qu’il s’agissait d’un faux de l’époque carolingienne.
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13 juin 313
Constantin promulgue l’édit de Milan
Le 13 juin 313, l’empereur Constantin, fort de sa victoire du pont Milvius sur son rival Maxence, promulgue l’édit de tolérance de Milan par lequel il légalise lechristianisme. C’est un retournement inattendu après la «Grande Persécution»inaugurée dix ans plus tôt par les tétrarques Dioclétien et Galère.
Le christianisme rassemble à cette date un dixième à peine de la population de l’empire romain (cinquante millions d’habitants environ). Il est surtout présent en Asie mineure (actuelle Turquie) et en Afrique du Nord.
Né dans les classes populaires, il gagne de plus en plus la faveur des classes supérieures et des élites intellectuelles et urbaines. Fort de la protection impériale, il va prendre son essor et s’imposer en quelques décennies comme la seule religion officielle de l’empire.
La «Grande Persécution»
La question religieuse est apparue dans l’empire romain à l’issue de la crise du milieu du IIIe siècle. Des soldats de modeste extraction issus d’Illyrie ou des régions danubiennes se succèdent à la tête de l’empire. Ils repoussent les premières invasions barbares et répriment les révoltes paysannes.
Soucieux de remettre de l’ordre dans les institutions et de rétablir l’unité morale de l’empire, ils favorisent le culte du Soleil au détriment du polythéisme traditionnel.
Ce culte du Sol invictus (le Soleil invaincu) rassemble sous une même identité des divinités traditionnelles (Apollon) et des divinités orientales (Mithra). Il amorce une évolution du polythéisme païen vers le monothéisme façon hébraïque ou chrétienne.
L’empereur Aurélien, au pouvoir de 270 à 275, fait du culte solaire la religion d’État. L’empereur se présente lui-même comme l’émanation du dieu sur terre et revendique à ce titre d’être adoré tel une divinité. Ainsi l’empire évolue-t-il vers un pouvoir personnel et autocratique.
Dioclétien, au pouvoir de 293 à 305, veut aller plus loin. Il veut renforcer la cohésion culturelle et politique de l’empire. C’est pourquoi son règne est marqué par de violentes persécutions contre les communautés chrétiennes qui refusent de sacrifier au culte impérial. Elles sont les plus dures qu’ait jamais connues l’Empire romain et obligent les chrétiens à choisir entre le reniement et le «martyre».
La «Grande Persécution» commence en 299 avec l’exclusion de l’armée des soldats baptisés, ces derniers refusant en effet de verser le sang ! Puis, de février 303 à février 304, quatre édits impériaux inspirés à Dioclétien par Galère, lequel a plus que quiconque les chrétiens en horreur, ordonnent de brûler les livres saints et de raser les églises partout dans l’empire.
La persécution atteint son paroxysme avec un édit qui prescrit au début de 304 un sacrifice général dans tout l’Empire, sous peine de mort ou de condamnation aux travaux forcés dans les mines.
Les fonctionnaires locaux exécutent les édits avec un zèle relatif. Constatant l’échec de la répression et désireux de se concilier les chrétiens, l’empereur Galère, malade, signe sur son lit de souffrance un premier édit de tolérance le 30 avril 311. Il meurt quelques jours plus tard, le 5 mai 311.
La religion devient une affaire individuelle
Après plusieurs années de guerres fratricides et l’élimination de son rival Maximin Daïa en avril 313, l’«Auguste» Licinius reste seul maître de la partie orientale de l’empire. Constantin, qui tient la partie occidentale, le convainc de publier une déclaration commune en latin et en grec, les deux langues de l’empire, afin de restaurer la paix civile. Elle est connue sous le nom d’édit de Milan, d’après la ville où elle a été promulguée.
Cette déclaration n’est pas la première du genre. D’autres l’ont précédée dans les précédentes décennies, y compris celle de Galère, deux ans plus tôt. Mais elle se singularise par le fait qu’elle introduit un élément nouveau dans la société romaine, à savoir la liberté religieuse.
Jusque-là, la religion était une affaire de communauté et d’identité ethnique. On suivait la religion de ses ancêtres et de son groupe. L’édit de Milan reconnaît à chaque individu la faculté de suivre la religion de son choix. C’est un changement radical de paradigme que relève Marie-Françoise Baslez, professeur d’histoire des religions à la Sorbonne (*).
L’édit de Milan lève par ailleurs les interdits qui pèsent sur la communauté des chrétiens. Les Églises locales se voient restituer les biens qui leur ont été confisqués, même lorsqu’ils ont été vendus à des particuliers.
Christianisation des moeurs
Dès lors, tout change assez vite. Constantin, discret sur ses convictions personnelles, continue de présider aux rituels païens en sa qualité de pontifex maximus (grand pontife). Il ménage aussi le Sénat qui siège à Rome et dont tous les membres sont restés fidèles au paganisme traditionnel. Il se contente d’interdire les sacrifices d’animaux, qu’il a en horreur.
Lui-même a sans doute hérité de sa mère Hélène, voire de son père Constance Chlore, un attachement sincère à la nouvelle religion.
Le christianisme n’en garde pas moins l’avantage. Sa doctrine séduit moins par le concept d’un dieu unique et transcendant (comme dans le judaïsme concurrent) que par ses préceptes nouveaux d’amour fraternel et d’égalité entre tous les êtres humains, par-delà les barrières ethniques, sociales ou sexuelles.
L’Église prend ses aises. Elle devient un élément de stabilité et un point de repère dans un empire brinquebalant.
Tandis que périclitent les institutions administratives, elle affirme sa solidité, fondée sur la légitimité démocratique et une hiérarchie respectée. Les évêques sont élus par le peuple et désignent eux-mêmes des suppléants (prêtres) pour guider la communauté.
Sous le règne de Constantin se met en place aussi une organisation religieuse du temps.
Vers 321, le repos hebdomadaire est imposé tous les sept jours, le jour du Sol invictus ou jour duSoleil. Le souvenir s’en conserve dans l’appellation donnée par les Anglais à ce jour :Sunday (le jour du Soleil).
Les autres langues occidentales conservent son appellation christianisée, diem dominicam (le jour du Seigneur, ou dimanche).
La fête annuelle du Soleil invaincu, fixée au 25 décembre par l’empereur Aurélien, vers 270, devient également la fête de la Nativité du Christ, bien que celui-ci fut plus probablement né au printemps.
Ainsi la religion chrétienne devient-elle la référence dominante autour de la Méditerranée, au IVe siècle, ainsi que le rappelle l’historien Paul Veyne (Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Albin Michel, 2007).
Le serait-elle devenue sans la volonté personnelle de l’empereur Constantin? Sans doute mais de manière plus lente et peut-être plus tourmentée.
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Le kiosque de l’Histoire
Le Monde de la Bible
À l’occasion du 1700e anniversaire de l’édit de Milan, par lequel l’empereur Constantin a légalisé la religion chrétienne, Le Monde de la Bibleconsacre un hors-série très documenté à ce tournant majeur de notre Histoire.
Non seulement la nouvelle religion va rapidement prendre le pas sur les autres cultes jusqu’à les opprimer à son tour, à la fin du IVe siècle, mais elle va aussi bouleverser les moeurs. Ainsi le calendrier des fêtes et des rythmes sociaux va-t-il s’aligner sur les fêtes chrétiennes et l’incinération va-t-elle reculer devant l’inhumation…
Fils de l’empereur Constance Chlore et d’une servante d’auberge, Hélène, Constantin élimine ses rivaux par les armes et sans ménagement excessif. Instruit dans la religion chrétienne par sa mère et peut-être aussi son père, il témoigne d’une grande empathie à son égard et ne va cesser de la promouvoir, sans pour autant agresser les autres cultes.
Marie-François Baslez, professeur d’histoire des religions à la Sorbonne, montre que l’édit de Milan introduit avant tout la notion de liberté individuelle : il donne à chacun le droit de choisir sa religion sans en référer à son appartenance communautaire, nationale ou ethnique.
Robert Turcan, historien des religions antiques, se penche sur l’empereur lui-même. A-t-il agi par calcul politique en affranchissant les chrétiens ou par conviction personnelle? La vérité serait plutôt mitigée car Constantin, fervent soutien du clergé chrétien, n’a pas pour autant renié le culte solaire officiel.
D’autres chercheurs et historiens ont apporté leur contribution à ce dossier, notamment sur les figures d’Hélène et Eusèbe de Césarée ainsi que le concile de Nicée.
Le Monde de la Bible complète ce dossier avec des articles d’une brûlante actualité sur la liberté religieuse dans le monde actuel, notamment en France et en Allemagne, pays de tradition chrétienne confrontés à l’obligation d’intégrer l’islam.
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sources :
hérodote.net
André Larané
Jean-François Zilberman
Le Monde de la Bible
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