Des origines à nos jours, Histoire de ou du ….(mon) village !!!

8000 ans avant JC

Sédentarisation et agriculture 

Entre l’an 12.500 et l’an 7.500 avant JC, de petites communautés humaines commencent à se grouper dans des villages permanents. Puis elles développent l’agriculture en complément de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Elles pratiquent ensuite l’élevage et enfin cultivent les arts du feu, notamment la poterie et la métallurgie du bronze.

Les hommes cessent d’être seulement des prédateurs qui puisent leur subsistance dans la nature. Ils deviennent des producteurs qui renouvellent ce qu’ils consomment (graines, gibier) par les semis et l’élevage. Ce changement est observé au Moyen-Orient et presque simultanément en Chine du nord, au Sahara et dans la Cordillère des Andes.

Avant l’agriculture

Avant que ne survienne ce changement, les premiers hommes vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette… Ainsi vivaient par exemple les hommes qui décorèrent les grottes de Lascaux et d’Altamira (16.000 ans avant notre ère).

Nomades et peu nombreux (quelques centaines de milliers en tout et pour tout), ils parcouraient la terre en quête de nourriture. Ils jouissaient sans trop de mal des fruits de la Terre, d’autant qu’après la dernière glaciation, qui remonte à 16.000 ans avant JC, le réchauffement du climat avait favorisé dans les zones tempérées la prolifération du gibier, des céréales (blé et orge) et des légumineuses (pois ou lentilles).

Ces premiers hommes utilisaient des pierres et des os pour se défendre, découper la viande et déterrer les racines. Pour rendre ces outils rudimentaires plus coupants et plus pointus, ils les taillaient avec du silex (une pierre extrêmement dure). Cette lointaine époque est pour cela appelée l’Âge ancien de la pierre taillée, ouPaléolithique (du grec palaios, ancien, et lithos, pierre). Elle a duré 20.000 ans.

Mines à silex

Le silex, roche siliceuse très dure, est présent sous forme de gisements dans certains sols calcaires. Il a été très utilisé par les premiers hommes et même, au temps des pharaons, par les Égyptiens.

Les meilleurs gisements étaient exploités comme des mines de charbon et la précieuse pierre faisait l’objet d’échanges commerciaux. On peut voir une reproduction de mine de silex à Samara, près d’Amiens.

Premiers villages

Tout change vers 12.500 ans av. J.-C.. Le changement est si important que les préhistoriens le qualifient de «révolution néolithique».

Le mot Néolithique a été forgé en 1865 par le banquier et naturaliste sir John Lubbock à partir du grec neos, nouveau, et lithos, pierre. Il signifie l’Âge nouveau de la pierre polie et fait suite au Paléolithique… l’Âge ancien de la pierre taillée.

Le Moyen-Orient se couvre à cette époque-là de graminées (céréales) et l’«on a pu calculer qu’une personne pouvait récolter en deux semaines assez d’engrain sauvage pour nourrir une famille de quatre personnes pendant un an» (*).

Au Proche-Orient, dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Ces villages marquent le début d’une période charnière appeléeMésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu).

L’archéologue Jean Perrot a mis au jour le site d’un tel village à Mallaha, au nord d’Israël, en 1955. Il s’agit d’un hameau de cinq ou six maisons rondes, semi-enterrées et en dur, construit entre 12.500 et 10.000 avant JC. Des hameaux similaires ont été aussi mis au jour près du Mont Carmel et sur le site de Ouadi en-Natouf d’où l’appellation de Natoufiens donnée par les savants aux représentants de cette lointaine culture.

«Par leur sédentarité, ces groupes accrus s’enracinent en outre dans un milieu stable, où la société des morts, dont témoignent les premiers cimetières mêlés aux habitants, renforce métaphoriquement celle des vivants et peut légitimer en quelque sorte son implantation fixe», écrit Jacques Cauvin (*).

Rencontre du chien et de l’homme

Avec les Natoufiens du Mont Carmel (Israël), qui vécurent 10.000 ans avant JC, nous découvrons le plus ancien ami de l’homme : le chien. C’est le premier exemple de domestication animale… Les hommes du Mésolithique ont attendu trois mille ans avant de domestiquer un nouvel animal : la chèvre.

Au cours du demi-millénaire suivant (10.000 à 9.500 avant JC), dans la même région, les Khiamiens multiplient les représentations de femmes. Il s’agit de figurines en calcaire assimilables à une déesse Mère. Elles cohabitent avec des représentations de taureaux, le taureau étant le symbole de la force virile et indomptable.

Les cultes de la déesse Mère et du taureau se diffusent de concert… de même que la vénération des crânes.

Premiers semis

L’agriculture n’a pas été à proprement parler inventée. Les chasseurs-cueilleurs savaient de toute éternité qu’en lâchant une graine sur le sol, elle donnerait une nouvelle plante. Au début de l’humanité, tirant assez de ressources de la simple cueillette, ils ne se souciaient pas d’exploiter méthodiquement cette observation.

Puis, on l’a vu, les hommes ont commencé à se grouper en petits villages sans cesser de pratiquer la chasse et la cueillette, simplement parce que la vie en communauté leur apportait plus de confort et de sécurité que la vie en solitaire. L’amélioration des conditions de vie a alors favorisé la croissance de la population.

Autour des villages, il est devenu de plus en plus difficile de s’en tenir à la simple cueillette. C’est ainsi que l’on a commencé de favoriser la croissance des plantes autour des maisons. Puis, on s’est astreint à des travaux de binage et d’entretien des parcelles pour en améliorer le rendement.

Les origines de ce changement ne sont pas complètement élucidées mais le préhistorien Jacques Cauvin peut toutefois affirmer que «le passage à l’agriculture n’est pas, à ses débuts, une réponse à un état de pénurie» (*).

Plantes sauvages, plantes cultivées

Le tournant agricole se repère à la modification des caractères génétiques des restes végétaux qu’ont retrouvés et analysés les archéologues.

Les céréales sauvages ont des graines qui, à leur maturité, s’envolent d’elles-mêmes au premier souffle de vent. C’est la condition de leur reproduction. Or, les hommes, quand ils récoltent les graines mûres en vue de leur consommation ou d’un semis volontaire, prennent, par la force des choses, les graines qui sont restées attachées à l’épi du fait d’une mutation génétique rare. C’est ainsi que les céréales mutantes caractérisées par un rachis solide (le rachis désigne la fixation de la graine à l’épi) tendent à se multiplier dans les zones cultivées, au détriment des céréales ordinaires.

C’est à ce phénomène que les archéologues reconnaissent l’existence de pratiques agricoles. Ils ont ainsi repéré les premiers signes d’une domestication des céréales chez les Khiamiens de l’oasis de Damas.

Révolution culturelle

Des deux millénaires qui s’écoulent entre 9500 et 7500 avant JC, il nous reste des vestiges remarquables sur le site de Jéricho, la plus ancienne des villes actuelles, comme sur celui de Mureybet, au bord de l’Euphrate (l’Irak actuel).

Selon les propos de Jacques Cauvin, ces vestiges témoignent d’un véritable choc culturel avec la banalisation de l’agriculture, l’apparition de l’élevage et le développement d’une civilisation urbaine, avec aussi une hiérarchie sociale et une segmentation par profession.

Une nouvelle architecture émerge avec des maisons à plan rectangulaire. La forme ronde est dès lors réservé aux maisons communautaires ou aux sanctuaires (comme aujourd’hui le chevet des églises ou le mirhab des mosquées). Les maisons rectangulaires non enterrées et les premières chèvres domestiquées témoignent de la volonté des hommes de s’affranchir des éléments naturels et de les dominer.

La révolution néolithique se diffuse assez vite du Levant (la région du Jourdain) vers l’Anatolie (la Turquie actuelle). On en trouve les traces à Cayönu et Nevali ainsi qu’à Catal Hüyük. Le site archéologique de Catal Hüyük, près du lac de Konya montre des maisons resserrées, auxquelles on accède par le toit (à cause du climat froid de la région). Ce village aurait été fondé vers 7.500 avant JC. Enfin, entre 7.500 et 6.200 avant JC, c’est l’explosion, le «grand exode» ! Des migrants diffusent l’économie urbaine et agro-pastorale du néolithique au-delà du Moyen-Orient, vers l’Europe comme vers les monts Zagros (Iran).

L’émergence au Néolithique de la sédentarisation et de l’agriculture a partout des conséquences incalculables sur l’organisation sociale. Il faut que chacun se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions. Ainsi naissent la propriété et le droit qui s’y attache.

Vers l’âge des métaux

La révolution néolithique se clôt avec l’apparition de la poterie et des premiers objets métalliques.

– poteries et céramiques :

Moulées à la main (sans tour) et cuites au four, les premières poteries sont fragiles. Elles n’en permettent pas moins des changements culinaires importants en autorisant la prépation de soupes et bouillies.

Notons que la poterie surgit au Japon dès le XIIe millénaire avant JC et dans le Sahara au IXe millénaire, soit bien avant l’invention de l’agriculture !

– Travail des métaux :

Pour travailler la terre, les paysans utilisent des outils de plus en plus spécialisés : houe, faucille… Ces outils sont en bois, en pierre polie, voire en bronze.

Dès 4.500 ans avant JC, les hommes du Levant s’aperçoivent qu’en faisant fondre certaines roches (il s’agit de minerais), ils obtiennent un matériau mou et malléable à chaud qui devient très dur et résistant en refroidissant. Quand il est bien modelé à chaud, ce matériau (le métal) rend plus de services que la pierre taillée ou polie.

Le premier métal qu’apprennent à travailler les hommes est le cuivre, produit à partir de la malachite. Certains préhistoriens appellent Chalcolithique ou Âge du Cuivre la période incertaine qui suivrait immédiatement  l’Âge de la pierre.

Les hommes apprennent également à produire de l’étain à partir de la cassitérite et, en mélangeant le cuivre et l’étain, obtiennent du bronze, un alliage aux vertus intéressantes, qui se prête à la fabrication d’armes et d’outils. C’est ainsi qu’après l’époque néolithique vient l’Âge des métaux.

– Vers des métiers spécialisés :

Les paysans font appel à des artisans spécialisés pour leur fournir les outils et les vêtements dont ils ont besoin. Ces artisans tissent la laine du mouton ainsi que des fibres végétales comme le lin ou le chanvre, pour en faire des vêtements. D’autres fabriquent des poteries en terre cuite pour conserver les céréales et l’huile ainsi que pour cuire les aliments…

Au Moyen-Orient, au bout de quelques milliers d’années, les pluies se faisant plus rares, les populations d’agriculteurs se concentrent dans une région en forme de croissant que nous appelons pour cette raison Croissant fertile.

Le Croissant fertile

  Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd’hui en grande partie désertique qui va de l’Égypte à la Mésopotamie (l’Irak actuel) sont nées les villes, l’agriculture et l’écriture !

Dans ce Croissant fertile, de grands fleuves favorisent l’irrigation des champs et compensent la raréfaction des pluies. Ces fleuves sont le Nil, qui traverse l’Égypte, le Jourdain, qui baigne la Palestine et surtout le Tigre et l’Euphrate dont le bassin forme la Mésopotamie (aujourd’hui l’Irak).

L’écriture, apparue presque simultanément en Mésopotamie et en Chine, 3 à 4.000 ans avant notre ère, engendre les premiers États avec un embryon d’administration. L’humanité entre dans l’Histoire…

La Bible et la révolution néolithique

La Bible des Hébreux, ensemble de textes faisant référence à des événements immémoriaux, témoigne, d’après le préhistorien Jacques Cauvin, d’une singulière concordance avec le déroulement de la révolution néolithique.

Ainsi la découverte de la nudité par Adam et Ève serait-elle assimilable à la révélation de la finitude de la vie ; la perte du jardin d’Eden traduit l’éloignement de la divinité (cet éloignement se retrouve dans l’opposition en architecture entre le cercle – temple – et le rectangle – maisons ordinaires -) ; Caïn illustre l’avènement de l’agriculture et Abel, son frère cadet, de l’élevage.

Communautés vouées par définition à l’agriculture, les villages demeurent bien ancrés dans notre imaginaire malgré l’exode rural… et l’exode urbain qui l’a suivi et a vu les salariés des villes, les touristes et les retraités réoccuper les fermes abandonnées.

Remontons le cours de l’Histoire et suivons l’apparition de ces villages.

Occuper le territoire

Pietr Mondrian, L'Église du village, 1898, collection privéeLe village a précédé l’agriculture : il y a près de 12.000 ans, des habitants du Levant renoncent aux inconfortables huttes de chasseurs-cueilleurs pour investir dans des habitations plus solides. Fini le provisoire et l’insalubre !

Les débuts sont humbles, on se contente de cabanes en torchis ou en pierre, parfois à demi-enterrées, élevées à proximité des ressources indispensables à la vie d’un petit groupe : cours d’eau bien sûr, mais aussi zone de chasse.

Au fil des siècles, la vie semi-nomade devient totalement sédentaire et pour éviter d’avoir à se déplacer trop loin pour cueillir ou chasser la nourriture, on développe les semis autour des habitations et l’on domestique les animaux (après le chien, compagnon de chasse, c’est la chèvre, qui donne son lait et sa viande).

Le village prend alors forme tandis que, face à l’accumulation des biens, l’esprit de propriété se développe, faisant de chaque étranger un ennemi potentiel. Ayant compris que l’union fait la force, on se protège en regroupant les habitats. Le village devient non seulement lieu de vie communautaire mais aussi de défense pour la quinzaine de familles qui s’y sont installées. Enfin tranquille ? Pas tout à fait…

Pourquoi faire comme tout le monde ?

Parmi les plus beaux villages, certains doivent leur renommée à leur emplacement quelque peu original. C’est le cas des villages lacustres ou palafittes (de l’italienpalafitta : «pieu fiché»), dont on trouve des exemples à travers le monde entier, en commençant par Venise, construite sur les îlots de la lagune du Lido au moment de l’invasion des Huns.

Comme les nids d’aigle occupés par les villages perchés, ces villages lacustres avaient en effet pour but principal de protéger leurs occupants des attaques en utilisant l’eau comme obstacle naturel. Si les premiers habitats étaient certainement à flanc de colline ou à l’entrée de grottes, d’autres ont directement été creusés à l’intérieur des roches, comme les villages troglodytiques de Cappadoce ou, plus près de nous, des bords de Loire.

L’excentricité peut également venir du désir de célébrer un saint facétieux, qui aurait choisi le lieu le plus inaccessible pour séjourner : pensons à Rocamadour ou encore au Mont Saint-Michel, la «merveille de l’Occident». Citadelles étoilées à la Vauban ou bories en pierres sèches de Provence, les architectes s’en donnent à cœur joie !

Vue du village de Rocamadour, photo : Gérard Grégor

Un peu d’ordre !

Si ces premières «agglomérations» sortent de terre dans l’anarchie, rapidement on se rend compte qu’une certaine organisation devient indispensable. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi ! C’est pourquoi, par exemple en Europe centrale, les maisons en en argile des premiers «paysans du Danube» se trouvent toutes orientées dans le même sens, celui des vents dominants. Au centre, un bâtiment plus important fait office de lieu de réunion tandis qu’un système hiérarchique, visible à la présence de bâtiments plus importants, se met en place.

Mais on n’est jamais trop prudent : à partir du IVe millénaire avant notre ère, on commence à ajouter palissades et fossés qui transforment les villages en camps fortifiés. Les communautés, de plus en plus nombreuses, commencent en effet à se concurrencer et s’observer d’un mauvais œil.

Dans le monde celtique ou gaulois, cette évolution donne naissance au 1er siècle av. J.-C. aux oppida (pluriel d’oppidum), places fortes situées en hauteur, entourées de murs cyclopéens et parfaitement organisées avec les artisans à proximité de la porte principale, puis les demeures des nobles, enfin, au centre, le sanctuaire.

Il ne s’agit plus tout à fait d’un village mais plutôt d’une ville, avec ses fonctions sociales diversifiées. La campagne alentour est émaillée de fermes isolées et de cabanes familiales. Bibracte, capitale des Éduens, en Bourgogne, est un bel exemple d’oppidum.

Villa romaine, mosaïque  du IVe s. ap. J.-C., musée du Bardo, Tunis

De la villa au village

Profitant de la paix romaine, les Gaulois et autres Celtes quittent leur oppidum pour s’installer en plaine. Les campagnes se couvrent alors d’un nouveau type d’habitation, la villa, exploitation agricole plus ou moins importante, soumise à l’autorité d’un propriétaire riche et puissant.

À la fin de l’empire, la villa devient un point d’ancrage pour les paysans pauvres ruinés par une fiscalité écrasante. Ainsi en est-il de Montmaurin, au pied des Pyrénées. Mais les invasions barbares du Ve siècle changent la donne : les habitants commencent à se regrouper derrière les murs construits autour des anciennes villae et, mieux encore, trouvent protection à l’ombre des premiers châteaux forts, constructions rustiques en bois qui servent de refuge à un seigneur et à ses hommes (les châteaux en pierreapparaissent seulement vers l’An Mil).

Les châteaux poussent un peu partout grâce à la montée en puissance de ces seigneurs qui suppléent au IXe siècle à l’incurie des rois carolingiens face aux attaques des Vikings, Sarrazins et autres pillards. Dans les régions montagneuses ou vallonnées, ils sont érigés sur les crêtes et les éperons rocheux ; dans les plaines, sur des mottes artificielles ou «mottes castrales».

Établis à proximité immédiate des châteaux, les premiers villages médiévaux concentrent toute la vie économique du pays du fait de la quasi-disparition des villes antiques. Ils ne bénéficient pas de plan d’urbanisme mais tirent leur harmonie d’une judicieuse adaptation à la topographie et au climat local. Il en va autrement avec les sauvetés et les bastides à vocation militaire beaucoup plus tardavec un aménagement en damier ou en cercle.

Aux alentours de 1300, le maillage rural de la chrétienté occidentale est à peu près achevé, proche de celui que nous connaissons aujourd’hui, avec ses villages serrés autour de leur église paroissiale et de leur cimetière, témoin d’une histoire plus que millénaire.

L’État s’en mêle

Le 14 décembre 1789, en France, les députés de la Révolution décident la fin de toute distinction entre villes et villages : ne restent que des communes au territoire précis, à la population dénombrée et soumise à une administration représentative, désignée par des élections. Les premiers votes se déroulent dès février 1790 et aboutissent à la mise en place de près de 44.000 municipalités, généralement issues des paroisses.

La Fête de village, art populaire avant 1837, Paris, Musée des Civilisations de l'Europe et de la MéditerranéeLa Première République, en 1792, enlève au curé le registre des naissances, mariages et décès et le place sous la responsabilité du maire.

Avec la loi de séparation des Églises et de l’État, en 1905, c’est l’entretien du patrimoine religieux qui incombe désormais aux 36.600 communes qui ne vont par la suite cesser d’élargir leurs compétences, notamment grâce aux lois Deferre de décentralisation de 1982.

Échelons de proximité auxquels sont particulièrement attachés les Français, les communes rurales souffrent cependant de leur petitesse et se lancent dans des structures d’intercommunalité pour suppléer à leurs déficiences. L’avenir dira si cette stratégie est la bonne pour conserver l’âme de nos villages !

Dis-moi quel est ton nom…

Villes et villages portent dans leurs noms les étapes de notre Histoire. Vous habitez Narbonne ou Marseille ? Vous vivez donc sur les traces des Ligures (Narbo), ancêtres des Gaulois, ou des Grecs (Massalia). À moins que vous ne soyez plutôt attaché à d’anciennes terres gauloises, comme Huisseau (de uxellos : «le lieu élevé»), Brèves (de briva : «le pont») ou Argenteuil (de argentoïalos «la clairière de l’argent»).

Du côté gallo-romain, les propriétaires des anciennes villae survivent dans les très nombreux noms en –ac (-acum) du Sud-Ouest, en -ville de Normandie, en –y du Nord ainsi que dans la façon de désigner les hameaux avec la préposition «chez»(de casa : «la maison»).

De son côté, la langue germanique se niche dans les -berg («le mont») de Schneeberg («le mont enneigé») ou Kirchberg («l’église sur le mont»). Plus tard, les temps féodaux nous ont légué toutes les appellations de localités dédiées à un saint, habitude remise en cause à la Révolution : c’est ainsi que la commune de Saint-Esprit, près de Bayonne, fut (provisoirement) rebaptisée du nom plus patriote de Jean-Jacques Rousseau !

C’est également la célébration de la patrie qui valut à Magenta (Indre) et La Crimée (Loiret) de rejoindre nos cartes géographiques. D’autres noms ont une origine plus anecdotique, comme ce Attin la Paix Faîte (Pas-de-Calais) qui, dit-on, célèbre une douce réconciliation entre Napoléon et Marie-Louise… Notons, au moment de la création de villes nouvelles dans les années 1960, la mode du retour à l’Antiquité dont bénéficia par exemple Sophia-Antipolis, appellation plus érudite mais moins malicieuse que certains Mouillepied, Pisse-Grenouille et Trousse-chemise…

Détail de la carte de Cassini, 1815, Institut géographique national, Saint-Mandé

«Mon village, au clocher, aux maisons sages…» (Charles Trenet)

En ce XXIe siècle, les Français cultivent la nostalgie du village, paisible, riche de ses traditions et opposé à la ville moderne, anonyme et au rythme de vie infernal. Il leur rappelle aussi leurs origines paysannes.

Affiche de campagne de François Mitterrand, 1981La ruralité reste donc encore solidement ancrée dans l’inconscient collectif, au point de devenir un des éléments clefs de l’affiche de campagne de François Mitterranden 1981, avec un village nivernais derrière le candidat de «la force tranquille» !

Elle exprime aussi l’attachement aux racines, voire la résistance face à l’envahisseur. Ainsi, tout le monde connaît un célèbre petit village gaulois qui «résiste encore et toujours» aux conquérants romains…

Aujourd’hui, nombre de citadins rêvent de faire partie de ces néo-ruraux qui redonnent vie aux villages. Mais c’est au risque de les transformer en villages-dortoirs ou en villages-musées, rompant ainsi le lien avec une histoire plus que millénaire.

Au moment où les nouvelles technologies permettent d’évoquer l’idée d’un village planétaire, parions que n’est pas prête de disparaître cette nostalgie déjà chantée par Joachim du Bellay au XVIe siècle :
«Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée […] ?»

Vincent Van Gogh, Rue de village à Auvers avec escalier et personnages, 1890, The Saint Louis Art Museum, St. Louis, Missouri, USA

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An Mil

Naissance et grandeur du village médiéval

Les villages sont l’ossature sur laquelle s’est greffée la civilisation européenne, si nombreux que «monté sur l’un des 130.000 clochers de la chrétienté latine, on en voit 5 ou 6 à l’horizon» (Pierre Chaunu).

Martres-Tolosane, village circulaire de la vallée de la Garonne, près de la villa de Chiragan (DR)Une première vague apparaît au terme des Grandes Invasions, quand émerge la société féodale ; une deuxième surgit après l’An Mil, à la faveur des grands défrichements.

Dans une chrétienté occidentale dépourvue de villes depuis l’effondrement du monde antique, ces villages vont engendrer une société nouvelle fondée sur le travail de la terre et le droit coutumier.

Cartulaire de la seigneurie du couvent de Billette, près de Paris, vers 1520-1530 (BNF)

Le village médiéval : une création originale

Avec la fin de la «paix romaine» et les invasions barbares du Ve siècle, les paysans livrés à eux-mêmes se regroupent autour des anciennes villae gallo-romaines (grandes exploitations agricoles) ou, mieux encore, trouvent protection à l’ombre des premiers châteaux forts, constructions rustiques en bois qui servent de refuge à un seigneur et à ses hommes (les châteaux en pierre apparaissent seulement vers l’An Mil).

Ces châteaux poussent un peu partout grâce à la montée en puissance de ces seigneurs qui suppléent au IXe siècle à l’incurie des rois carolingiens face aux attaques des Vikings, Sarrazins et autres pillards. Dans les régions montagneuses ou vallonnées, ils sont érigés sur les crêtes et les éperons rocheux ; dans les plaines, sur des mottes artificielles ou «mottes castrales».

Du fait de la quasi-disparition des villes antiques, toute la vie économique en vient à se concentrer autour de ces châteaux.

– Vilains et serfs :

Les paysans sont généralement appelés «vilains» (du latin villanus, qui désigne un habitant de la campagne et dérive de villa, exploitation gallo-romaine)... Le mot a pris une connotation péjorative dans le langage des citadins et des nobles, de même que le mot «manant» (du latin manererésider), qui désigne tout simplement l’exploitant d’unmanse, autrement dit d’une exploitation familiale, avec sa maison, ses dépendances, ses droits d’usage et ses champs.

Une partie des vilains parvient à conserver sa liberté et la pleine propriétés d’une partie au moins de ses terres. Ces terres libres de tout lien féodal sont dites «alleux» (du latinallodium). En Normandie, on les surnomme aussi «fiefs du soleil» pour signifier qu’elles n’ont d’autre suzerain que le soleil !

Mais la majorité des paysans doivent s’en remettre à la «protection» du seigneur local, en lui abandonnant la propriété nominale de la terre et une partie substantielle de leurs revenus au titre des droits féodaux.

Prélèvements obligatoires

Libres ou pas, les paysans paient à leur seigneur de nombreuses redevances en contrepartie de sa «protection» :
– les banalités pour l’utilisation du four, du moulin et du pressoir et les péages pour le franchissement des ponts ;
– un cens en contrepartie des tenures (les terres concédées par le seigneur) ;
– le champart ou «part des champs», équivalent en général à un dixième des récoltes…

Ils paient aussi un droit de mainmorte pour que leurs fils puissent hériter de leurs tenures et un droit sur les «lods et ventes» (du latin lauslaudis – approbation – ; transactions autour des tenures). Ils sont tenus d’effectuer plusieurs jours de travail par an sur la «réserve», autrement dit les terres exploitée en direct par le seigneur ; c’est la corvée. Ajoutons à cela la dîme due à l’Église, égale au dixième environ des récoltes. Ils peuvent aussi être astreints à une taxe humiliante, le formariage, s’ils veulent épouser une femme étrangère à la seigneurie.

Au total, c’est environ un tiers de leurs revenus que les paysans du Moyen Âge affectent à ce que nous appellerions aujourd’hui les «prélèvements obligatoires».

Le château-fort de Cautrenon, en Auvergne, dessin de Guillaume Revel dans l'Armorial du duc de Bourbon (XV° siècle), BNFEn marge de cette paysannerie plus ou moins libre, une minorité de vilainsvit dans la dépendance complète du seigneur (châtelain, abbaye ou autre). Ils souffrent d’une forme inédite d’esclavage, le «servage» (du latinservusesclave).

Ces serfs ou hommes de corps travaillent sur le domaine du seigneur, la réserve, à moins que celui-ci ne préfère leur louer une terre. Ces serfs sont alors dits «chasés».

Privés de liberté et obligés même d’obtenir le consentement de leur maître pour se marier, les serfs sont attachés à titre héréditaire à la seigneurie. Ils n’ont pas le droit de la quitter. Mais réciproquement, le seigneur ne peut les en chasser ni leur ôter sa protection.

Le servage ainsi que tous les droits et obligations qui s’attachent à la terre sont strictement codifiés en fonction des coutumes locales, composant un écheveau d’une infinie diversité. Par exemple, si un paysan libre obtient de cultiver une tenure «servile», il doit supporter les servitudes qui s’y attachent.

Les serfs et autres vilains vivent dans des conditions précaires, sous la menace permanente des disettes. Néanmoins, ils sont en général beaucoup moins pressurés par le seigneur local que pouvaient l’être leurs aïeux par les métropoles antiques, qu’elles aient nom Athènes, Rome, Carthage, beaucoup moins également que leurs contemporains soumis à l’autorité de Bagdad ou Constantinople.

À la différence des notables de ces métropoles vouées à la consommation et au luxe, les seigneurs partagent le destin de leurs paysans. Leur intérêt est de les protéger et de les soutenir car leur revenu dépend tout entier de leurs récoltes.

Cette solidarité forcée permet l’aménagement rationnel des campagnes : plantations de haies, drainage et assainissement, marnage (ajout de calcaire et argile aux sols), construction de moulins, défrichements etc. Elle est à la source du décollage économique de l’Europe occidentale.

Enluminures du Rustican (ou Livre des profits champêtres et ruraux), de Pietro de Crescenzi, 1305 (musée Condé, Chantilly)
– Ager et saltus :

Les premiers villages médiévaux sont structurés autour de deux lieux majeurs : le château et l’église paroissiale. Ils ne bénéficient pas de plan d’urbanisme, ce qui explique les plans routiers parfois tortueux contre lesquels il nous arrive de maugréer, mais ils tirent leur harmonie d’une judicieuse adaptation à la topographie, au climat local et aux techniques agricoles.

L’espace rural est scindé en deux parties : d’une part l’ager, qui réunit les champs cultivés sur les terres les plus fertiles ; d’autre part le saltus ou «incultum» (forêts et prés communaux).

La partie cultivée est répartie entre les tenures ou manses exploitées par les paysans et la réserve exploitée en direct par les domestiques du seigneur.

La glandée (le mois de novembre dans les Très riches Heures du duc de Berry, miniature du XVe siècle, musée Condé)Pour préserver la fertilité des sols, les villageois organisent l’ager selon les principes de l’assolement biennal ou triennal : l’ager est divisé en deux ou trois «soles» et chaque famille dispose d’une tenure sur chacune d’elles avec obligation de respecter l’ordre des cultures (une année consacrée aux céréales d’hiver, une autre aux céréales de printemps, la dernière au repos – jachère – et à la pâture du bétail).

Le saltus n’est pas moins important pour les villageois. Il fournit du bois de chauffage, des baies… Les paysans y conduisent les porcs afin qu’ils se nourrissent de glands. C’est la glandée. Quant au seigneur, il y pratique la chasse, son loisir favori et son privilège.

La seigneurie de Wismes

Le plan ci-dessous (cartulaire) représente la seigneurie de Wismes, en Picardie, près d’Amiens, au XVe siècle. On distingue l’église et le château au centre ; les tenures ; les bois (masses sombres) ; la réserve seigneuriale à droite du château, le moulin banal (au-dessus de l’église) et même le gibet seigneurial (en bas à gauche).

La seigneurie de Wismes, Picardie, XVe siècle

L’appel de la liberté

Dans les trois siècles qui suivent l’An Mil, au cours du «beau Moyen-Âge», un léger réchauffement climatique améliore les récoltes et favorise la croissance de la population.

Suivant l’exemple donné par Cluny, les moines bénédictins, en quête de solitude, implantent de nouveaux monastères au coeur des forêts encore vierges. Les paysans, assoiffés de terres et de liberté, s’engouffrent dans ces brèches. Ils essartent et mettent en culture les friches, attirés par les exemptions fiscales et les franchises promises par les seigneurs locaux.

Dans les régions méridionales, l’Église encourage l’établissement des déshérités dans les terres en friches, en sanctuarisant des espaces de libertés autour de certaines églises. Il s’ensuit la création de villages appelés «sauvetés», selon un modèle circulaire que l’on rencontre par exemple dans le Languedoc (Bram ou Alan). Dans ces terres se réfugient en particulier des serfs en fuit et désireux de liberté.

La guerre de Cent ans, à la fin du Moyen Âge, donne lieu en Aquitaine, à la création d’un nouveau type de village, la «bastide» à vocation militaire, avec un aménagement en damier, autour de la place d’armes. Là aussi sont accueillis des gens de toutes origines, y compris des serfs en fuite. De la sorte, le servage disparaît presque totalement dès la fin du XIIIe siècle au profit d’une relation de gré à gré entre propriétaires et exploitants.

Aux alentours de 1300, le maillage rural de la chrétienté occidentale est à peu près achevé, proche de celui que nous connaissons aujourd’hui.

À chacun son histoire

Les villages d’Europe occidentale ont des structures qui reflètent leur histoire. On a vu le cas des bastides et des sauvetés. Il y a aussi les villages perchés qui témoignent de la peur des pirates, sur les côtes méditerranéennes.

Les villages regroupés (en allemand, «haufendorf») prédominent  dans les plaines aux sols lourds, où l’assolement triennal impose une discipline collective : chaque famille a des tenures dispersées dans les différentes soles. Lorsque les menaces extérieures l’exigent, les maisons se regroupent à l’intérieur d’une enceinte plus ou moins circulaire, comme à Martres-Tolosane, dans la haute Garonne (photo ci-dessus).

Dans les régions insalubres de landes ou de marécages, on a au contraire un habitat dispersé : chaque famille s’établit au plus près des rares champs fertiles.

Enfin, dans les régions d’essartage tardif, on observe des villages-rues (en allemand, «strassendorf») : les fermes s’alignent le long de la route principale et leur tenure se déroulent d’un seul tenant à l’arrière, perpendiculairement à la route. Ce schéma se retrouve aussi au Québec, défriché selon les mêmes principes qu’en Europe.

Dès le XIe siècle, dans un élan général, les campagnes se hérissent de clochers, qui sont autant de marqueurs de l’enracinement des hommes dans leur territoire : «C’était comme si le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, ait revêtu de toutes parts une blanche robe d’église» (Raoul Glaber). Les églises de cette époque, aux formes robustes caractéristiques de l’art roman, témoignent encore aujourd’hui de la vitalité des campagnes médiévales.

Chaque village forme une communauté de fidèles soudée autour de son curé, de son église et de son cimetière : la paroisse. Le village est à la fois le lieu de la vie économique et de la vie affective, où l’on travaille, paie les impôts, se marie et baptise les enfants.

La messe dominicale, dans l’église, est une occasion de rencontre durant laquelle on s’exprime à grand bruit entre calembours, jeux d’osselets ou encore transactions entre particuliers (ce n’est qu’à partir du concile de Trente que l’église devient un sanctuaire silencieux).

À leur mort, les habitants sont inhumés autour de l’église, voire à l’intérieur, sous le dallage, en ce qui concerne les notables. Le cimetière est un lieu de sociabilité jusqu’au début de l’époque moderne : on s’y réunit pour les fêtes, danser, jouer…

La paroisse est administrée par l’assemblée des chefs de famille, sous l’autorité lointaine du seigneur ou du représentant du roi : le bailli dans les régions septentrionales, le sénéchal dans le Midi. À l’assemblée revient en particulier l’entretien de l’église et de l’enclos paroissial, dans lequel sont rassemblées les tombes des disparus, depuis que les vivants n’ont plus peur des morts.

Bénéficiant d’une exceptionnelle stabilité démographique (l’Europe, des Pyrénées au Danube, est la seule région du monde à n’avoir connu aucune immigration pendant le dernier millénaire), ces villages entretiennent et fortifient leurs traditions.

Transmis de génération en génération, les coutumes et les droits d’usage acquièrent force de loi. Cette jurisprudence fait même obstacle à la volonté du seigneur ou du souverain. Les Anglais l’appellent fort justement «common law» (la loi commune) pour la distinguer de la loi dictée par le sommet. Elle est à l’origine de la plus belle invention qui soit : l’État de droit.

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 mai 2013

Villages en sursis

La France a hérité de son lointain passé un total de 36.000 communes dont une très grande majorité de villages de quelques dizaines à quelques centaines d’habitants.

Cette richesse patrimoniale est devenue une source majeure de coûts et de blocages du fait de la dispersion des moyens et des responsabilités. Le statu quo institutionnel non seulement coûte cher à la nation mais affecte aussi la survie de ce tissu rural…

Avec ses trente six mille communes, la France fait figure d’exception en Europe, les autres grands pays en ayant tout au plus 4.000 à 6.000.

Créées par l’Assemblée nationale constituante, le 14 décembre 1789, les communes sont les héritières des villes et des paroisses rurales d’Ancien Régime. Ce sont à ce titre les plus anciennes circonscriptions françaises (après les départements).

Grandes ou petites, elles ont toutes un conseil municipal et un maire élus au suffrage universel, et un budget propre. Ce budget est alimenté par les impôts locaux et varie dans de grandes proportions selon que les contribuables sont aisés ou non, et plus ou moins pressurés par l’équipe municipale. Il est en partie seulement corrigé par des dotations de l’État.

Témoins d’un maillage territorial hérité du Moyen Âge, les communes rurales conservent envers et contre tout de beaux restes : charme des paysages et vie sociale. La disparition des rituels festifs attachés à l’agriculture et à la religion (rogations, moissons, vendanges…) a été en partie compensée par les fêtes votives, les repas communautaires, les vide-greniers et autres occasions de retrouvailles.

Exode rural

Les communes rurales ont en général atteint un pic de population au milieu du XIXe siècle, vers 1860. Depuis lors, elles ont vu leur population diminuer, d’une part en raison de la dénatalité, ensuite des pertes de la Grande Guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, l’exode rural s’est accéléré, alimentant l’expansion industrielle et l’urbanisation du pays.

Depuis les années 1980, on assiste à un mouvement en sens inverse du fait de l’urbanisation de l’espace rural. Fuyant les centre-villes devenus inaccessibles et les banlieues réputées invivables, les familles des classes moyennes s’installent à la périphérie des agglomérations, jusqu’à des distances de cinquante ou soixante kilomètres du centre.

Sur la voie rapide qui mène de Toulouse à Saint-Gaudens (70 kilomètres), dans la vallée de la Garonne, on assiste désormais à un mouvement pendulaire qui n’a rien à envier aux encombrements de la région parisienne : trafic saturé le matin en direction de Toulouse et le soir en sens inverse.

De ce fait, beaucoup de communes rurales voient à nouveau leur population croître, mais en se transformant en «cités-dortoirs» et sans regagner les institutions et les notables qui faisaient d’elles des communautés villageoises.

À l’écart des agglomérations et de ce mouvement de «rurbanisation», la grande majorité des 36.000 communes françaises continuent de voir leur population  décroître. La plupart ne comptent plus que quelques dizaines ou quelques centaines d’habitants à la moyenne d’âge très élevée. Trop petites, elles ne sont plus en mesure de résister à leur déclin. Elles ne peuvent compter que sur des Anglais ou des Parisiens aisés pour acheter et restaurer une fermette à l’abandon.

Ce dépeuplement s’accélère de lui-même. À mesure que diminue la population, le coût relatif des administrations par habitant s’accroît mécaniquement de sorte qu’un(e) ministre finit par conclure à la nécessité de fermer ces administrations (tribunaux, hôpitaux, écoles, collèges, bureaux de poste…).

L’État et ses agents abandonnant les régions rurales, les jeunes médecins libéraux ne voient pas de raison d’agir différemment (ce qui leur vaut d’être stigmatisés par ceux-là mêmes qui ont décidé la fermeture des administrations). Tant pis pour les habitants condamnés à rester sur place et bonne chance aux téméraires qui auraient envie de s’installer !

Nos hommes politiques aiment-ils la France ?

Oublions les paroles. Tenons-nous-en aux actes. À considérer ceux-ci, on peut s’interroger sur l’amour que les hommes politiques français portent au pays profond… Y voient-ils autre chose qu’un réservoir d’électeurs dociles ?

À quoi rêvent-ils tandis que meurent les villages et se délite le tissu rural ? À de grandes métropoles «de taille européenne», à la tête de grandes régions qui rivaliseront avec les Länder d’outre-Rhin ! «Grand Paris»«Grand Montpellier»,«Grand Dijon»… Voilà leur horizon. On pourrait épiloguer sur la dimension pénienne ou sexuelle de ce fantasme de grandeur. Plus sérieusement, on peut s’interroger sur sa pertinence.

Y a-t-il un quelconque lien entre la taille d’une ville et sa prospérité ? Que nenni. Aucune ville allemande ne dépasse en population le tiers de l’agglomération parisienne. Aucune ville suisse ou scandinave ne dépasse la taille de l’agglomération lyonnaise. Toute la prospérité de ces pays repose sur les usines disséminées dans les petites villes et les villages.

À chaque village, son usine. C’est un schéma que l’on rencontre encore dans quelques régions françaises : la Vendée, l’Alsace, le Boulonnais… Mais il est gravement mis à mal par la priorité politique donnée aux métropoles, lesquelles sont des lieux de pouvoir, d’administration et de consommation, avec leurs quartiers résidentiels et leurs cités pour immigrés, mais ont depuis longtemps cessé d’être des lieux de production.

Abandonnant le modèle médiéval à l’origine de notre décollage économique, nous nous orientons vers le modèle prédateur des métropoles de l’Antiquité ou de l’Orient. Il n’est pas sûr que ce soit celui que souhaitent la grande masse des citoyens français.

Villages sous-administrés

Les villages réduits à la taille d’un hameau et seulement habités par des personnes âgées ne retrouveront jamais leur vitalité d’antan.

Dans la Creuse, par exemple, sur 266 communes, on en compte une vingtaine seulement qui dépassent le millier d’habitants et une seule, le chef-lieu Guéret, qui dépasse 10.000 habitants. Avec cela, le département compte 266 maires, au moins autant d’adjoints et quelques milliers de conseillers municipaux.

Malgré leur bonne volonté, les élus sont impuissants à stopper l’agonie de leur village. Retraités de l’agriculture pour la plupart, ils n’ont d’autre choix que de déléguer leurs missions d’intérêt général (collecte des ordures ménagères, entretien de la voirie…) à des syndicats d’économie mixte intercommunaux, dont la gestion leur échappe complètement ainsi qu’à leurs électeurs.

Avec le budget qui leur reste, ils font du saupoudrage sans grande utilité pour la pérennité du village : éclairage public, goudronnage de chemins, subvention aux associations locales, éventuellement, construction d’une salle des fêtes.

Un regroupement s’impose pour sauver ce qui peut l’être du tissu rural, dans la Creuse comme dans les Ardennes ou les Hautes-Alpes.

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernants ont encouragé les communes à fusionner entre elles en leur offrant pour l’occasion une dotation financière. Quelques téméraires ont surmonté leurs réticences et s’y sont résolus. Mais les réussites demeurent en général très rares et beaucoup de fusions ont même abouti à des «défusions».

On a depuis lors tenté d’associer les communes rurales sous la forme de pays oucommunautés de communes, avec des dirigeants cooptés et non élus, auxquels les électeurs ne peuvent donc demander des comptes.

Cette solution ne remédie ni à la dispersion des budgets communaux, ni à l’absence de perspective à long terme. Elle se traduit par une grande opacité dans la gestion des syndicats d’économie mixte intercommunaux  en charge des missions d’intérêt général (rémunérations…).

Opération chirurgicale

Ces inconvénients pourraient être surmontés avec une formule analogue aux «conseils d’arrondissement» de Paris, Lyon et Marseille.

Il s’agit de regrouper les communes dans des «supercommunes» de taille convenable (au moins 5 à 8.000 habitants), autour de leur chef-lieu de canton ou de leur agglomération-centre, avec un budget commun et un conseil municipal démocratiquement élu.

Suivant le modèle PLM, les électeurs ruraux continuent d’élire leur maire, avec un conseil municipal restreint (en conservant leurs indemnités). Par ailleurs, une partie de ces conseillers est appelée à siéger au conseil municipal de la «supercommune» et à élire son maire.

Principal avantage : un budget unique au niveau de la «supercommune» au lieu de micro-budgets communaux. Relativement consistant, ce budget permet d’envisager non plus du saupoudrage mais des investissements durables, avec un objectif prioritaire : renforcer les services (santé, commerces, transports, administrations) de façon à faciliter la vie de tous les habitants et encourager l’installation de familles et d’entreprises.

Autre avantage : le choix du maire principal se fait sur une base élargie à l’ensemble de la population de la «supercommune», avec toutes les chances de pouvoir élire une personne relativement jeune et formée à la gestion.

Disposant d’une taille critique et d’un budget suffisants, avec un maire apte à diriger des services complexes, la «supercommune» peut aborder de front son avenir.

Ainsi seraient conciliées la permanence des anciennes paroisses, l’efficacité gestionnaire et la démocratie.

Ainsi disparaîtraient surtout ces horreurs technocratiques dont nous avons évoqué plus haut les inconvénients (fonctionnement non démocratique, rémunérations opaques) : payscommunautés de communes… sans compter les Métropoles, nouvel ectoplasme non démocratique inventé pour complaire aux notables des grandes agglomérations.

Appliqué à la Creuse par exemple, le regroupement aboutirait à la création d’une vingtaine de «supercommunes», centrées sur les communes de plus d’un millier d’habitants, ces communes devenant les points de fixation des services futurs et l’âme du renouveau rural.

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Sources

Histoire de la France rurale, sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon, éd. du Seuil, 1975.
Histoire des paysans, sous la direction de Jérôme Blum, éd. Berger-Levrault, 1982.
Sophie Bogrow et Hervé Champollion, Villages de France, éd. Aubanel, 2009.
Stéphane Gendron, L’Origine des noms de lieux en France : essai de toponymie, éd. Errance, 2008.
Mureil Rudel, Le Village autrefois, éd. Hoëbeke, 2005.

Les ouvrages clé sur la paysannerie médiévale, bien qu’un peu datés, sont signés des grands historiens Marc Bloch (La Société féodale, Albin Michel, 1939) et Georges Duby (Guerriers et paysans, Gallimard, 1973, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Aubier, 1962).

On peut aussi lire le petit livre d’un autre grand historien, Jacques Heers : Le travail au Moyen Âge, Que sais-je? 1965. Plus récent et plus consistant (617 pages) : Le village sous l’Ancien Régime (Antoine Follain, Fayard, 2008).

Jeanne Laffont, Isabelle Grégor, Joseph Savès,  André Larané et Antoine Vergnault

Hérodote.net

Les mots des religions

Français : ange protant la bible, la parole de...

ange protant la bible, la parole de Dieu ou la table de la loi. Galerie des rois. (Photo credit: Wikipedia)

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Les mots des religions : Prophétisme,
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Hildegarde de Bingen, Nostradamus

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Qu’est-ce qu’un prophète ? Pas un homme qui dit l’avenir mais unhomme dont la parole est habitée d’un souffle divin. Sylvie Barnay a collaboré à l’ouvrage collectif dirigé par l’historien médiéviste André Vauchez, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, en rédigeant justement le chapitre consacré au prophétisme. Elle est également l’auteur d’un livre paru début 2012 consacré à ce sujet « La parole habitée ». Elle offre ici deux portraits de prophètes : Hildegarde de Bingen et Nostradamus.

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http://www.canalacademie.com/ida8787-Les-mots-des-religions-Prophetisme.html

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Définition du prophétisme

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Les prophètes sont des hommes à la parole habitée. Une parole au souffle inspiré les habite autant qu’ils habitent cette parole devenue leur propre chair et leur propre sang. La prophétie est une empreinte de Dieu en l’homme, le souffle de l’Esprit divin défini comme saint. Emportés par ce souffle, les prophètes dénoncent l’insupportable et annoncent l’inimaginable au cœur du monde. Ils apportent la lumière quand les hommes sont plongés dans l’ombre. Leur parole est « comme un feu », «  comme un marteau qui fracasse le roc » (Jr 23,29). Ils ne peuvent la taire, mais seulement la transmettre : « Et celui qui tient de moi une parole, qu’il délivre fidèlement ma parole ! »(Jr 23,28). Les prophètes parlent la parole divine et non « sur Dieu » ou « à propos de Dieu ». Aussi, ils ne possèdent ni l’origine ni la fin de cette parole qu’ils portent et qui les porte.

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Depuis la plus haute Antiquité des hommes au regard perçant sont chargés de dire la parole des dieux. Mais le monde de la Bibledonne sa coloration propre à ce phénomène religieux dont on repère la trace dans l’ensemble du Proche-Orient ancien. Elle est le reflet de sa théologie, c’est-à-dire de sa manière de concevoir la relation entre l’homme et son Dieu. Pour la pensée biblique, en effet, la parole divine est vivante, elle établit une relation entre la vie divine et la vie humaine. Cette relation est également décrite comme une « Alliance », structure particulière de contrat entre les hommes et Dieu supposant des droits et des devoirs . Les prophètes sont les yeux de Dieu, dénonçant ce qui brise l’Alliance et annonçant ce qui la fait vivre. Quand vient le désarroi des corps devant la folie destructrice de la violence ou du pouvoir, un prophète se dresse pour que l’humanité ne s’aveugle pas davantage et lui montrer où est le sens de la vie. Quand il est minuit dans l’histoire, sa vision dénonce le mal en puissance. Et son souffle inspiré annonce un matin qui vient.

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Cette première définition sous-tend toute l’aventure culturelle du prophétisme. Mais la parole inspirée est également le reflet d’une époque, que ce soit celle des temps anciens ou celle des temps contemporains. Aussi chaque voix prophétique est d’abord celle d’un homme ou d’une femme qu’imprègnent la sensibilité et la culture propres à leur siècle

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Un exemple de figure prophétique au Moyen Age : Hildegarde de Bingen

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La parole inspirée d’Hildegarde de Bingen plonge droit au cœur des Livres prophétiques et des ultimes énoncés de l’Apocalypse de Jean. La moniale définit la prophétie en même temps qu’elle se définit elle-même comme « un faible son de trompette provoquée par la lumière vivante ». L’image de l’instrument de musique n’est pas anodine : elle montre que le prophète est un être humain animé par un souffle divin qui seul lui permet de tirer des sons harmonieux de son instrument, c’est-à-dire de parler avec justesse la parole divine. Pour Hildegarde la prophétie est « dans l’homme comme l’âme dans le corps » : « de même que l’âme est obscurcie dans le corps et que celui-ci est dirigé par elle, de même la prophétie issue de l’Esprit de Dieu qui gouverne toute créature est invisible ». Invisible, elle est l’empreinte de la divinité sise au cœur de tout homme depuis Adam. Elle donne aux prophètes les yeux de Dieu : « Ô hommes admirables qui passez, en voyant les mystères par les yeux de l’Esprit et en annonçant dans l’ombre lumineuse la lumière aigüe et vivante ». Aussi le prophète est-il, , l’homme qui donne à l’humanité une lumière quand tout est obscurité et qu’il fait nuit dans l’histoire. A ce titre, la prophétie est également cette « science mystérieuse » du regard qui permet au prophète inspiré par l’Espritd’esssayer de comprendre l’essence divine des phénomènes de la nature et du monde. Les prophètes de l’Ancien Testament en sont les témoins autant que la prophétesse elle-même.

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Hildegarde recevant l'inspiration divine, manuscrit médiéval

Hildegarde recevant l’inspiration

divine, manuscrit médiéval

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Retraçant l’histoire du prophétisme, la bénédictine Hildegarde montre encore que la prophétie a été revivifiée avec la venue sur terre du Fils de Dieu , elle s’est alors montrée aux hommes parée d’un nouvel éclat, d’une nouvelle manière de comprendre et d’exposer la parole divine. C’est pourquoi Hildegarde proclame la parole divine en pleine lumière de la Révélation du Christ, réactualisant et revivifiant le message de l’Évangile pour son époque. Expliquant ainsi le mouvement prophétique dans l’histoire depuis Adam, présenté comme le premier prophète, la moniale de Bingen montre que la bouche humaine, à l’origine, ne parlait que la parole de Dieu, ne cessait donc de prophétiser. Elle continue de prophétiser dans l’histoire par la grâce de l’Esprit-saint
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A ce titre, l’abbesse annonce les malheurs à venir mais dit aussi l’espérance au cœur de ce temps, paroles révélatrices de sa pensée prophétique : « Tantôt surgira l’injustice, avant de tomber à nouveau, tantôt des guerres, famines, pestes et mortalité séviront, pour disparaître à nouveau : rien ne durera, ni ne persistera bien longtemps dans un même état, tout sera en mouvement, apparaissant, disparaissant » ; « Viendront des temps pires, dans lesquels (…) le trône catholique (sera) ébranlé dans les erreurs, et ainsi les derniers de ces temps seront pleins de blasphèmes, comme des cadavres dans la mort. Alors il s’ensuivra la fumigation de la douleur dans les vignes du Seigneur. Ensuite surgiront des temps plus forts que les premiers, au cours desquelles la justice de Dieu se dressera quelque peu et l’injustice du peuple spirituel sera reconnue comme devant être totalement balayée ».

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Ces images puissantes , qui réalisent le Verbe de Dieu, sont écrites dans l’urgence : La Rhénanie où vit la prophétesse du XIIe siècle vit une époque de schismes et de violents conflits entre partisans de la papauté et partisans de l’empereur : « Dans ce monde règnent les ténèbres, les nuées et le grand remuement de toutes les tempêtes ». Tandis que le christianisme se défait dans les luttes intra-religieuses et que ceux qui ont pour mission de transmettre son héritage culturel le dilapident, Hildegarde, vivement blessée, part pour Cologne, Trêves, Metz, Wurzbourg et Bamberg. Sur ordre de l’Esprit, elle annonce au clergé et au peuple la volonté divine et proclame la nécessaire Réforme de l’Église : « Mais de nos jours, la foi catholique vacille parmi les peuples et l’Évangile claudique ; même les ouvrages très puissants que d’incontestables docteurs avaient examiné avec un zèle immense sont dispersés dans une boue honteuse, et la nourriture de vie des Écritures divines est corrompue. C’est pourquoi je parle désormais par la bouche d’un [humain] n’enseignant pas les Ecritures, ni éduqué par un enseignement terrestre, mais moi qui suis, j’annonce par lui de nouveaux secrets et de nombreux mystères, restés jusque là cachés dans les livres ». 

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Cette vision vient_ des yeux du Dieu dont elle affirme être la messagère et avoir reçu le don de comprendre l’histoire du salut. Hildegarde annonce la persécution générale vers laquelle va l’Église si elle n’opère pas une conversion, si elle ne renonce pas à sa mondanité et à sa richesse. Aux « maîtres et prélats endormis qui ont délaissé la justice de Dieu », elle annonce la venue d’un nouvel ordre religieux secondé par des princes restaurateur du bien commun donné en partage à tous les hommes… La prophétesse n’est pas pour autant considérée comme une devineresse. C’est en termes de « rayonnante lumière » que le pape Eugène III décrit sa parole, défaisant toute suspicion d’hérésie à son encontre. Le prophétisme de la moniale opère en effet au sein même du magistère sans attenter à l’unité constitutive de la définition de la chrétienté, à l’époque qui voit le début de l’élévation des cathédrales. Il n’est pas non plus millénariste : il décrit la fin d’un monde, non la fin du monde. Il se présente enfin comme un éclairage ou un guide pour le présent, reformulant la manière dont s’opère la relation entre l’homme et Dieu, rappelant la Loi. C’est ce qui rend sans doute la parole habitée de la visionnaire acceptable par la hiérarchie ecclésiale.

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Portrait de Nostradamus. Par son fils, César de Nostredame.

Portrait de Nostradamus. par
son fils, César de Nostredame.
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Un exemple de figure prophétique à l’époque de la Renaissance : Nostradamus

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Nostradamus est un poète-prophète emblématique de la Renaissance. Contrairement aux idées reçues, son prophétisme n’est pas de l’ordre de la prédiction du futur. C’est la postérité qui donnera en effet à Nostradamus les allures d’un devin aux paroles énigmatiques qui aurait prédit jusqu’aux catastrophes de la seconde guerre mondiale. Elle contribuera aussi à assimiler le médecin et astrophile de la Renaissance à un diseur de bonne aventure. 

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C’est pour son fils César que Michel de Nostredame, dit Nostradamus, rédige les Prophéties dont une première édition paraît à Lyon, le 4 mai 1555. Voir dans le recueil paru chez l’imprimeur Macé Bonhomme une lecture prévisionnelle de l’histoire relève cependant d’un contre-sens que la forme énigmatique des Prophéties contribue pourtant paradoxalement à susciter. En effet, dans la continuité de la théologie médiévale du prophétisme, Nostradamus assimile la prophétie au don divin d’une lumière, à un outil qui, par grâce, permet de dépasser l’ordre de la connaissance naturelle. Mais, il raisonne désormais en homme du XVIe siècle et avec les cadres épistémologiques qui sont les siens : ceux du médecin tout d’abord ; ceux de l’astrologue lecteur des signes du ciel, reçu à la cour de Henri II   et consulté par Catherine de Médicis et son fils Charles IX dans le contexte d’un engouement collectif pour le langage des astres, ensuite ; ceux de l’encyclopédiste pour lequel le genre littéraire de l’encyclopédie représente, non pas une clôture circulaire du savoir, mais un effort pour organiser le savoir en une succession de cercles concentriques de façon à ce que chacun puisse à la fois l’élargir et le mener à sa propre guise. 

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Témoin des guerres de religion et de la déstabilisation qu’elles provoquent chez ses contemporains, Nostradamus cherche, en médecin, à soigner son époque. Comme dans les Prognostica d’Hippocrate, il tente de faire un « pronostic » : analyser les symptômes, prévoir l’évolution de la maladie pour parvenir à la traiter, dire le futur de cette maladie au patient. Pronostic qui diffère d’une voyance annonçant ce qui va se réaliser même s’il lui ressemble dans sa forme. Les quatrains rassemblés en centuries, ou unités de cent vers, qui composent les Propheties semblent ainsi présenter comme un panoptique de la folie et de la cruauté humaine. Ils sont destinés à montrer le mal en action. 

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A l’encontre des autres approches futurologiques qui vont ultérieurement capturer et plagier sa pensée, Nostradamus n’écrit donc pas pour prophétiser le malheur au sens d’un châtiment irrémédiable mais pour y remédier. Précisant lui-même son positionnement dans la « Préface » adressée à son fils César, il dit que ce n’est ni par le biais des pratiques magiques, ni par le biais de l’astrologie qu’il est devenu un « voyant », mais par divine inspiration : « veu que toute inspiration prophétique reçoit son principe movant de Dieu le créateur » . Dans son optique, en effet, l’intelligence humaine est incapable par elle-même d’accéder à la compréhension des choses cachées recouvertes par le voile du mystère divin à moins qu’elle ne soit secourue par ce que Nostradamus appelle « la flamme missive » permettant d’appréhender le futur, mais aussi le passé et le présent. Nostradamus ne cherche donc pas à prédire mais à faire surgir une conscience de la présence divine dans le monde humain : ce qui « doit être », et non pas ce qui « sera ». 

Portrait de Nostradamus par le Dr Niel.

Portrait de Nostradamus par le Dr Niel.

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L’homme ici-bas voit Dieu non pas face-à-face, mais toujours « en énigmes », ainsi que le rappelle saint Paul. Pour dire ce que les « yeux » de Dieu lui ont confié, Nostradamus choisit alors de parler cette langue biblique « en énigmes », qui est sa propre manière de prophétiser. Nostradamus pose ainsi en définitive une parole pour aider l’homme de son temps à entendre qui parle au nom de Dieu. Ce n’est pas l’apocalypticien, qui prend la parole et la place de Dieu pour annoncer que la fin des temps est imminente. Ce n’est pas non plus le prédicateur qui, au nom de Dieu, prend partie contre les détenteurs de l’autorité politique en les accusant de gouverner contre la Loi divine – à l’exemple de Jean de Hans ou de Simon Vigor – autre forme de toute puissance. Ce n’est pas davantage le devin inspiré de la tradition platonicienne cher aux humanistes de son temps, le mage ou le théurge inspiré dont se moque par ailleurs Nostradamus. Le prophète – titre que Nostradamus ne cherche aucunement à s’attribuer – « Encores, mon fils, que j’ay inseré le nom de Prophete, je ne me veux attribuer titre de si haulte sublimité pour le temps présent » – est celui qui dénonce le mal contre lequel il propose un antidote porteur d’espérance à l’homme qui se demande par quel chemin aller au milieu du XVIe siècle.

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Il est ainsi possible de repérer au fil des siècles les figures prophétiques qui incarnent la parole habitée.

Sylvie Barnay à Canal Académie

Sylvie Barnay 

Le texte ci-dessus est extrait, avec son aimable assentiment, de : Sylvie Barnay, La parole habitée, Points Sagesse, Paris, Seuil, 2012 (copyright Éditions du Seuil). Les références des textes cités sont données dans le texte original.

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Sylvie Barnay, Maître de conférences à l’Université de Lorraine Chargée d’enseignement à l’Institut catholique de Paris …. ses écrits ci dessous ….

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Présentation de

«  »la parole  habitée » »

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Confusément assimilé à Nostradamus, le prophète irait de par le monde, marginal, extatique et détenteur des sombres secrets de l’avenir, toujours apocalyptiques. Mais si la parole prophétique est effectivement  » habitée  » par un savoir qui dépasse celui du commun des mortels, elle n’est pas toujours noire et menaçante. L’identité du prophète a évolué au cours de l’histoire : devin dans l’Antiquité, médiateur entre l’homme et Dieu dans le judaïsme, tour à tour contestataire annonciateur de l’Apocalypse et interprète de la Parole divine dans le christianisme, il a contribué à définir la spécificité de l’islam, avec la figure de Muhammad, il a pris le visage de l’utopiste et du révolutionnaire dans le monde moderne… Ainsi, du mésopotamien Marduk à Isaïe, Ezéchiel puis Moïse, de Joachim de Flore à Nostradamus, de Sabbataï Tsevi à Martin Buber, de Marx à Emmanuel Mounier, les grandes voix prophétiques résonnent d’échos différents selon qu’elles veulent bouleverser le monde ou l’interpréter, le mobiliser ou accélérer la réalisation sur terre d’une promesse divine, annoncer la fin du monde ou préparer l’homme au changement. Ce recueil de textes, accompagnés de présentations qui les contextualisent, rend ainsi compte de la diversité des voix prophétiques dans l’histoire tout en dessinant les figures caractéristiques du prophète.

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 Biographie de l’auteur

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Historienne, elle a notamment publié :

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— La Vierge, femme au visage divin

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— La parole habitée : Les grandes voix du prophétisme

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— Langue de bois et parole en or
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— Les Saints : Des êtres de chair et de ciel
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— Jésus, compléments d’enquête
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— Almanach des traditions et de la gourmandise : Fêtes, dictons, recettes
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Détails sur ce livre

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Poche: 296 pages
Editeur : Points (9 février 2012)
Collection : Points Sagesses
Langue : Français
ISBN-10: 2757817388
ISBN-13: 978-2757817384

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Patrick

sources : 

Canal Académie

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http://www.canalacademie.com/ida8787-Les-mots-des-religions-Prophetisme.html

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http://www.canalacademie.com/idr20-Les-mots-des-religions-.html

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http://www.canalacademie.com/ida8802-Sous-la-direction-d-Andre-Vauchez-Prophetes-et-prophetisme-d-hier-a-aujourd-hui.html

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Diverses sur Internet 

Publications intéressantes portant sur l’Histoire …

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Publications intéressantes

en….  l’Histoire ….

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Les vraies chroniques de Tournai

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par Yves Coutant

Cet ouvrage constitue la première édition intégrale d’une chronique oubliée et délaissée par beaucoup de chercheurs qui y ont vu, à tort, une simple traduction vernaculaire de textes latins déjà connus par ailleurs. Yves Coutant, sous la direction du professeur Jacques Pycke, remet le texte et les origines légendaires de la ville de Tournai à l’honneur, grâce à une édition de qualité et à une solide introduction. Le texte ici étudié, remarquablement daté par le copiste lui-même, date de 1290.

 

 

« Seconde Rome, tel est le nom que les anciens Romains auraient donné à Tournai après qu’ils l’eurent fondée en 609 avant JC. Il s’en fallut de peu que cette Seconde Rome ne surpasse la ville-mère:les Romains appréciaient tellement la nouvelle cité qu’ils envisagèrent un moment d’abandonner le Tibre pour élire domicile le long de l’Escaut. Mais après une première révolte contre les Romains, Seconde Rome dut se soumettre et accepter le sobriquet d’Hostile. C’est sous encore un autre nom, Nerve, qu’elle lutte bien plus tard contre les armées de Jules César. Elle est vaincue mais César se montre magnanime. A l’instigation du traître Ambiorix, les citoyens de Nerve reprennent cependant les hostilités et malgré l’élection du roi éponyme Turnus, la cité, qui dorénavant se fait appeler Tournai, ne peut résister à César. Le général romain est implacable cette fois-ci et punit la forfaiture en rasant la ville. Tournai ne retrouvera sa splendeur d’autrefois qu’au temps de Néron et sera christianisé par Piat et Eleuthère.

S’il est un texte qui glorifie Tournai et les Tournaisiens, c’est bien celui-ci. Nous le savions déjà : de tous les peuples de la Gaule, les Belges étaient les plsu forts. ce que nous apprenons ici, c’estq ue de tous les Belges, les plus forts étaient en fait les Tournaisiens. Epris de liberté et insoumis, courageux et héroïques, ils ne surent malheureusement pas toujours se réfréner : chaque fois que leur bravoure devint témérité et que leur héroïsme se mua en outrecuidance, ils furent punis. Mais chaque fois aussi, tel le phénix, la cité se releva de ses cendres pour redevenir finalement cité royale et siège épiscopal ».

Ce volume constitue le 18e opus des Instruments de travail de la collection Tournai – Art et Histoire.
Disponible chez l’éditeur universitaire i6doc en format papier et en format PDF.
ISBN-10 2-87419-070-5
ISBN-13 978-2-87419-070-4
Année de publication mai 2012
Nb de pages 206
Format 30 x 21 cm

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La revue Archives et Manuscrits précieux

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Ce n’est pas la première fois que les origines de Tournai sont étudiées au sein de la collection Tournai – Art et Histoire. Dans le troisième tome de la revue Archives et Manuscrits précieux, également éditée par le professeur Jacques Pycke (Instruments de travail n°11, 2009), trois médiévistes de formation différente ont croisé leurs regards sur les origines légendaires de la ville. Isabelle GLORIEUX (docteur en langues et littératures classiques) examine les chroniques en langue latine qui évoquent la naissance des origines mythiques de la ville et leur développement, lorsque la bourgeoisie puis le duc de Bourgogne s’en emparent. Pieter-Jan DE GRIECK (historien médiéviste de la Katholieke Universiteit Leuven) élargit le champ grâce à des manuscrits découverts notamment à Lyon et à Leuven, abordés dans la perspective de l’historiographie monastique de l’abbaye tournaisienne de Saint-Martin. Enfin, Kathy KRAUSE (Professor of French à l’Université du Missouri-Kansas City) approfondit notre connaissance du manuscrit français 24430 de la Bibliothèque nationale de France, qui contient la plus ancienne copie connue de la version française des origines légendaires de Tournai.

Le même volume contient également un article sur les lettres collectives d’indulgences délivrées par des groupes d’évêques en Avignon au 14e siècle (Morgane Belin) ; une édition du Testament de Jean Chevrot, président du conseil de Philippe le Bon, évêque de Tournai (1438-1460), enfant de Poligny (Marie Van Eeckenrode) ; une étude d’Une Missa Sancta Trinitas anonyme du 16e siècle conservées aux Archives et Bibliothèque de la cathédrale de Tournai (Anne-Emmanuelle Ceulemans) ; une édition de Nouveaux documents qui concernent l’abbaye de Saint-Nicolas-des-Prés à Tournai, dite encore Saint-Médard (Jacques Pycke et Michel-Amand Jacques).

Disponible ici en PDF ou en version papier.
Langue français
Éditeur Tournai – Art et Histoire
Support Livre relié
ISBN-10 2-87419-018-7
ISBN-13 978-2-87419-018-6
Année de publication nov. 2009
Nb de pages 136
Format 20,8 x 29,3 cm

Dans le quatrième tome de la revue Archives et Manuscrits précieux (Instruments de travail n°15, 2010) se penche sur deux manuscrits conservés à la Cathédrale de Tournai : le livre d’heures de la famille Lefèbvre (Marie Van Eeckenrode et Ingrid Falque) et le Livre des serments (Morgane Belin) qui a fait l’objet d’une édition en 2010 dans la même collection. Il scrute attentivement trois manuscrits musicaux de la cathédrale très vraisemblablement apparentés (confrérie des notaires), parmi lesquels figure la célèbre Messe de Tournai (Sarah Ann Long). Il propose enfin l’édition et la traduction d’une « Vie » du saint évêque tournaisien Éleuthère (Olivier Delsaux), dont l’unique témoin se trouve dans un manuscrit du 13e siècle conservé à la Bibliothèque nationale de France. Ainsi, des études de documents d’archives côtoient à nouveau de précieux manuscrits et justifient pleinement le titre donné à cette série de volumes annuels au sein de la collection scientifique Tournai – Art et Histoire.
Disponible ici en PDF ou en version papier.
Langue français
Éditeur Tournai – Art et Histoire
Support Livre broché
ISBN-10 2-87419-042-X
ISBN-13 978-2-87419-042-1
Année de publication nov. 2010
Nb de pages 152
Format 21 x 29,7 cm

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 Les cartulaires des évêques de Tournai

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Ouvrir les cartulaires des évêques de Tournai : une richesse dévoilée. 1098 regestes (analyses détaillées) d’actes de 898 à 1677

par Cyril Vleeschouwers et Jacques Pycke

 

Les riches archives de l’Évêché de Tournai ont brûlé à Mons et à Tournai en 1940. Par bonheur, les registres cartulaires (recueils de chartes) contenant les actes des évêques ont été conservés. Ils reposent aujourd’hui aux Archives de l’Etat à Tournai, à la Bibliothèque municipale de Lille et à la Bibliothèque nationale de France, à Paris.

On a songé, depuis un bon siècle, à les publier, vue la richesse des informations qui y sont contenues. Hélas, devant l’ampleur de la tâche, aucun projet n’a abouti. Il est vrai qu’une édition exhaustive de ces cartulaires épuiserait la vie d’un chercheur !

Pour stimuler la recherche, C. Vl. et J. P. présentent, dans l’ordre chronologique, en un fort volume, une analyse détaillée (regeste) en français moderne de chacun des 1098 documents éparpillés dans l’un ou l’autre des cartulaires. De généreux index des noms de personnes, des noms de lieux et des matières dévoilent la surprenante richesse de ces documents qui concernent tout l’ancien diocèse de Tournai, de Lille à La Panne et de Sluis à Saint-Amand-des-Eaux !

On y traite tout à la fois des innombrables conflits de juridiction qui ont opposé les évêques aux ducs de Bourgogne ou aux échevins des villes, des nominations d’abbés, d’abbesses et de prieures, des abbayes gantoises, des grandes collégiales de Lille, d’Harelbeke, de Courtrai et de Bruges, de Saint-Nicolas-des-Prés, des fondations de chapelles, des nouvelles dévotions, des dîmes de lin, de colza, de choux et de navets, de la règlementation des moulins, de la suppression de la paroisse Sainte-Marguerite, des habitants d’Orcq, du château d’Helchin, de la pratique des sacrements, des hérésies, de l’hommage féodal, des monnaies, des innombrables hôpitaux, des inquisiteurs, des marguilliers, des changeurs, des serments, des pèlerinages, des testaments, des chantres, des sépultures, des veuves, des curés de paroisse, des prisons, des châtelains et des cimetières….

Un instrument de travail indispensable, qui permettra de renouveler des pans entiers de l’histoire des évêques de Tournai et de pratiquement toutes les villes, les villages et les institutions religieuses de l’ancien diocèse de Tournai.
Ce volume constitue le 14e numéro des Instruments de travail de la collection Tournai – Art et Histoire et est disponible ici en PDF et en version papier.

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Langue français
Éditeur Tournai – Art et Histoire
Support Livre broché
ISBN-10 2-87419-040-3
ISBN-13 978-2-87419-040-7
Année de publication mars 2010
Format 21 x 29,7 cm

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Cloches et société médiévale 


Les sonneries de Tournai

au Moyen Age

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par Laure Leroux
Depuis plusieurs années déjà, les médiévistes s’emploient à rendre au Moyen Âge ses lumières, ses couleurs. A l’image, nous allons nous efforcer d’ajouter le son, un son surtout, devenu symbole de l’Occident chrétien, celui des cloches. Il faut tendre l’oreille pour percevoir l’écho du bronze à travers des mentions qui devaient apparaître anodines, sinon évidentes à leurs auteurs tant cette sonorité était inscrite dans leur quotidien et dans leur culture. Longtemps ignorées par les historiens, c’est par ces trop rares mentions autant que par les ellipses et les silences des sources médiévales que nous nous essaierons à retrouver les cloches dans la trame des jours, à travers une « enquête campanaire » explorant les sonorités d’une ville au patrimoine exceptionnel, Tournai, auquel un dicton populaire attribue « cent clochers, quatre cent cloches ».
Ce volume constitue le 16e opus des Instruments de travail de la collection Tournai – Art et Histoire et est disponible ici en PDF et en version papier.
Langue français
Éditeur Tournai – Art et Histoire
Support Livre broché
ISBN-10 2-87419-045-4
ISBN-13 978-2-87419-045-2
Année de publication mars 2011

 

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Patrick

sources :

== http://blogdurmblf.blogspot.fr/

Renaissance du Collège des Bernardins à Paris

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Le Collège des Bernardins à Paris :
Renaissance d’un haut-lieu de la
spiritualité et de la culture

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Le Collège des Bernardins à Paris : Renaissance d’un haut-lieu de la spiritualité et de la culture
La chronique « Sites et Monuments » de Robert Werner, correspondant de l’Académie des beaux-arts
En juin 2010, récompensant une restauration exemplaire débutée en 2004, le Collège des Bernardins, situé dans le 5e arrondissement de Paris, a reçu le Prix du Patrimoine culturel de l’Union Européenne. Une consécration pour ce chef-d’œuvre de l’architecture médiévale, un des joyaux du patrimoine historique de la Ville de Paris. Robert Werner, correspondant de l’Institut de France, après avoir effectué un bref survol de quelques uns des plus beaux vestiges du Moyen Age parisien, nous conte l’histoire de ce monument datant du XIIIe siècle, à l’existence tourmentée, haut lieu de spiritualité devenue tour à tour prison, entrepôt et caserne de pompiers, et qui retrouve aujourd’hui son éclat d’antan.


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Paris, où affluent chaque année des millions de touristes avides de beauté et d’histoire, conserve relativement peu de vestiges médiévaux.
Les urbanisations successives, la Révolution, le vandalisme en sont les causes principales. Il y a naturellement la cathédrale Notre-Dame de Paris, construite entre 1163 et 1260 sous l’évêque Maurice de Sully, où, avec l’art gothique, les réalisations parisiennes deviennent exemplaires de l’art français ; l’église Saint-Pierre de Montmartre aussi, fondée en 1134. Au Haut-Moyen Age, la tour Clovis aujourd’hui intégrée au lycée Henri IV et l’église Saint-Julien le Pauvre même antérieure à l’an 1000, certes très transformée et aujourd’hui dédiée au culte melkite des Grecs catholiques.


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Vue extérieure du Collège des Bernardins

Vue extérieure du Collège

des Bernardins

© Laurence de Terline
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Remontons encore un peu le temps à l’époque où Childebert 1er, roi franc du territoire contenant Paris, fils de Clovis et de Clotilde et qui règne dès la mort de son père en 511, veut une abbaye grandiose pour sa ville : elle s’appellera Saint-Germain des Prés. Celle-ci sera de nombreuses fois restaurée mais y subsistent, en plus du chœur de l’église et au fond, des vestiges de l’époque romane que les visiteurs connaissent insuffisamment. Quant à la Conciergerie, dans l’Ile de la Cité, le palais des premiers rois Capétiens avec la Sainte-Chapelle voulue par Saint-Louis, elle possède encore des parties datant du XIVe siècle.
Allais-je oublier la Tour Jean sans Peur dans le quartier des Arts et Métiers et la fin du gothique signalé par les églises Saint-Germain l’Auxerrois, Saint-Gervais, Saint-Séverin, Saint-Etienne du Mont, et, enfin, l’hôtel des abbés de Cluny : ce bref survol est probablement incomplet…
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la grande nef du Collège des Bernardins en travaux

la grande nef du Collège des

Bernardins en travaux


(c) Collège des Bernardins
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Quand on se promène dans Paris, et qu’on a le temps de se perdre dans l’histoire de la ville, de regarder comme il convient, on ne peut qu’être frappé par l’harmonie des bâtiments, par ses monuments, comme autant de souvenirs vivaces du temps passé. Ainsi, nous voici arrivés devant le couvent des Bernardins, initié à l’époque du règne de Saint-Louis.
Situé au 18, rue de Poissy, une petite rue qui donne dans le faubourg Saint-Germain en direction de l’Institut du monde arabe, l’ancien collège des Bernardins a pendant longtemps été un haut-lieu de l’enseignement de la théologie. En partie défiguré au cours du XIXe siècle, le site abritait encore il y a quelques années une caserne des pompiers installée en ce lieu depuis la fin du règne de Louis-Philippe.
Il s’agit en vérité d’un chef-d’œuvre de l’architecture médiévale, longtemps ignoré et heureusement redécouvert grâce, principalement, à la volonté de Monseigneur Lustiger alors archevêque de Paris. C’est Etienne de Lexington, un moine d’origine anglaise, abbé de Clairvaux, qui crée, en 1245, le collège Saint-Bernard bientôt désigné comme Collège des Bernardins soutenu par le pape Innocent IV.
Dédié à la spiritualité, il est vite célèbre et reconnu dans toute l’Europe moyenâgeuse d’où l’on vient étudier les textes savants des religieux de renom. On y enseignait chaque jour la théologie, de six heures du matin à neuf heures du soir et les élèves devaient argumenter en latin.

La nécessité de faire bénéficier les moines de l’enseignement universitaire à Paris, alors capitale intellectuelle de l’Europe, et le retard pris par rapport aux Dominicains et aux Franciscains, ont poussé les Cisterciens à engager la construction du Collège des Bernardins installé au clos du Chardonnet, comme lieu d’études et de recherches au cœur de la pensée chrétienne. C’est alors, dans la première moitié du XIIIe siècle, qu’est construit le principal bâtiment qui a survécu.
A l’instar du collège parisien qui veut promouvoir l’étude parmi ses moines, d’autres collèges cisterciens sont créés, le chapitre général confirmant la prééminence du Collège des Bernardins sur tous les autres collèges de l’Ordre.

Au XIIe siècle, une révolution intellectuelle secoue l’Europe. Les monastères, jusqu’alors principaux centres intellectuels cèdent peu à peu le pas aux universités nouvellement créées dans les grandes villes : Bologne, Paris, Oxford, Cambridge, Heidelberg… Dans une bulle de 1245, le pape encourage vivement les cisterciens à aller faire des études à Paris pour y étudier la théologie et transmettre ensuite leur enseignement à leurs confrères.

Grande Nef du Collège des Bernardins

Grande Nef du Collège des Bernardins
(c) Domitille Chaudieu

Prévu à l’origine pour accueillir une vingtaine d’étudiants, le Collège formera, entre le XIIIe et le XVe siècle, plusieurs milliers de jeunes moines cisterciens, l’élite de leur Ordre venant du nord de la France, de Flandre, d’Allemagne et d’Europe centrale. Les registres de la faculté de théologie de Paris témoignent de la vitalité de ce haut-lieu qui joue un rôle encore plus important lorsqu’il devient le quartier général de l’« Étroite Observance », réforme encouragée par le cardinal de La Rochefoucauld et confirmée par Richelieu devenant lui-même abbé de Citeaux en 1635.


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Les travaux au Collège des Bernardins, vue du toit

Les travaux au Collège des

Bernardins, vue du toit


(c) Collège des Bernardins
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La réputation du Collège s’étendit, le nombre des élèves en témoigne. Ils joueront un rôle illustre dans l’histoire de l’église médiévale : Jacques Fournier, un ancien étudiant du Collège, reçu docteur en théologie en 1314, sera plus connu sous le nom de Benoît XII, pape en Avignon de 1334 à 1342. Son lointain successeur, le pape actuel, Benoît XVI, s’est d’ailleurs rendu au Collège des Bernardins dès l’achèvement de sa restauration en rappelant le prestigieux passé de cette institution du Quartier Latin.
Il précède de trente ans la Sorbonne, élevée en 1257 sous l’autorité d’un autre théologien, Robert de Sorbon. En ce temps-là, l’essor de la ville de Paris fortifiée depuis l’avènement des Capétiens, ne faiblit pas encore. C’est le temps où  » les marchands de l’eau  » ont tout pouvoir sur le commerce fluvial.
Quelques décennies plus tôt, Paris, sous Louis VI le Gros, voit la construction des premières grandes Halles, de Notre-Dame de Paris et du tracé des grandes artères qui subsistent en partie aujourd’hui. Philippe Auguste, le grand-père de Saint Louis, ordonne l’érection d’une seconde enceinte alors que le prévôt des marchands, tout puissant, devient le véritable maire de Paris.

Mais revenons au Collège et descendons un instant, au sous-sol, au cellier dont on dit qu’il est le plus grand de Paris, peut-être le plus beau dans toute l’ampleur de ses trois nefs. Le sol de béton ciré, très sobre, évoque la terre battue de l’origine et aujourd’hui, étudiants, professeurs et chercheurs ont la possibilité de travailler dans ce vénérable cellier. Son déblaiement et les travaux de terrassement ont occasionné de multiples surprises. Parmi ces dernières, la découverte d’un affluent de la Bièvre.
Elle permit de comprendre pourquoi, dès sa construction, le Collège des Bernardins, reposant sur un sol alluvionnaire, s’affaissait sous son propre poids… D’ailleurs, rapidement à cette époque, ce grand cellier sera comblé à mi-hauteur pour stabiliser l’ensemble ce qui n’empêcha pas le bâtiment de continuer à bouger, affaiblissant les piliers qui supportaient la voûte, une situation qui prit fin avec le renforcement des fondations et la restauration complète du bâtiment intervenue ces dernières années.
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le cellier du Collège des Bernardins

le cellier du Collège des Bernardins
(c) Sabato Renzullo
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Notons qu’à l’époque du projet de réhabilitation, la reprise des Bernardins par le Diocèse fut approuvée à l’unanimité par le Conseil de Paris. Le bâtiment jugé d’intérêt national menaçait ruine si une opération d’envergure n’était pas menée. Or, son ouverture au public dans des conditions satisfaisantes exigeait des aménagements importants qui n’entraient pas dans les attributions des Monuments de France.
Un double chantier fut entrepris conjointement, en 2004, par l’architecte en chef des Monuments historiques, Hervé Baptiste, pour la restauration extérieure, et par le cabinet de l’architecte Jean-Michel Wilmotte pour l’aménagement intérieur. Une convention est signée entre la Ville, l’État, la Région et l’Association Diocésaine de Paris avec le concours des services du ministère de la Culture afin de financer les travaux sur les 4500m2, de la future  » école cathédrale  » comprenant des salles de classe, un auditorium, sous le toit, pour des concerts, des colloques, des conférences et des expositions…

Grâce à la restauration de l’ancien Collège des Bernardins, les piliers de la galerie retrouveront, après creusement, leur hauteur originelle. Les occupants successifs ont fragilisé les étages supérieurs en modifiant des ouvertures au gré des réaménagements ce qui posa plusieurs problèmes et, entre autres, celui-ci : en effet, comment consolider le bâtiment de manière à satisfaire les exigences en matière d’accueil du public, et comment restituer la vaste toiture en accord avec les Monuments historiques et le budget de restauration qui s’élevait à 50 millions d’euros ?
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Le Cellier du Collège des Bernardins en travaux

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Le Cellier du Collège des Bernardins

en travaux


(c) Collège des Bernardins

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Des centaines de micro-pieux, enfouis à une profondeur de 15 à 25 mètres viennent soutenir de manière invisible les murs périphériques et les piliers. Ceux-ci reçoivent un cerclage métallique pour les consolider. Une telle assise permet de stabiliser les voûtes à l’aide de vérins identiques à ceux utilisés pour le tablier du viaduc de Millau. La situation critique du Collège réclamait des solutions inédites. La restitution du toit a été réalisée dans ses dimensions médiévales par une charpente métallique. Sur cette charpente, très vaste, une couverture de tuiles plates artisanales confère un aspect ancien à la toiture : pas moins de 10 000 tuiles de sept nuances différentes.

Pendant ce temps, les terrassiers ont dégagé une pierre tombale, datée de 1306, celle d’un moine cistercien prénommé Günther, originaire de Thuringe. Sa présence atteste du rayonnement européen du Collège des Bernardins à son origine.
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Nef du Collège des Bernardins

Nef du Collège des Bernardins
(c) Laurence de Terline
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Situé non loin de l’enceinte Philippe Auguste, le bâtiment est à présent magnifique. Il est loin, le temps où, sous la Révolution, vendu comme bien national, il fut défiguré et ensanglanté par les Sans-culottes qui y massacrèrent les derniers prêtres de la paroisse avant que le cloître ne devienne le bureau du receveur des Domaines. Ce dernier y gérait les innombrables exigences et doléances reçues à longueur de journée. Devenu prison pour les galériens, il sera relégué comme entrepôt – le grand jardin sera même cédé à une association de marchands de bestiaux qui en fera un marché couvert pour les veaux !

Enfin, le Collège, autrefois centre de la spiritualité, se verra transformé en caserne des pompiers, une chance finalement car le bâtiment est occupé et entretenu jusqu’à la veille du chantier. Cet admirable monument dont l’église fut malheureusement démolie en grande partie par le tracé de la rue de Pontoise et ses ruines rasées en 1859 lors du percement du boulevard Saint-Germain, est resté longtemps méconnu en dépit de son classement en1887.
Y entrer est un vrai bonheur, les éclairages incorporés au sol pour ne pas altérer la pureté des voûtes font naître une ambiance apaisante en ce lieu qui renoue avec sa vocation initiale. Oui, l’ancien Collège des Bernardins retrouve aujourd’hui son éclat originel.


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Robert Werner
Correspondant de l’Institut
Rédacteur en chef de la revue Sites et Monuments
Vice-président de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France

 

 

 

 

 

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Patrick

sources :

== canal académie 

Aujourd’hui comme au Moyen-âge, l’Europe unie par sa littérature ?

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Aujourd’hui comme au Moyenâge, l’Europe unie par sa littérature ?

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Le point de vue de Michel Zink


Extrait de « L’essentiel avec… » Michel Zink, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Entretien avec Jacques Paugam.

Institut de France - Paris, France

Institut de France – Paris, France (Photo credit: Thomas Leplus)

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En cette semaine dédiée à l’Europe, retrouvons l’académicien et Secrétaire perpétuel, depuis le 28 octobre 2011, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Michel Zink, professeur au Collège de France, grand philologue et spécialiste de la littérature médiévale (XII, XIII, XIVe siècles). Il nous parle, dans cette émission extraite de notre série « l’Essentiel » animée par Jacques Paugam, de sa vision de l’Europe, de ses espoirs et de ses attentes la concernant.
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 http://www.canalacademie.com/ida8905-Aujourd-hui-comme-au-Moyen-age-l-Europe-unie-par-sa-litterature-Le-point-de-vue-de-Michel-Zink.html

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Quand Jacques Paugam demande à Michel Zink, philologue et médiéviste de renom, spécialiste de la littérature du Moyen-âge, quel évènement ou tendance de ces dernières années lui laissent le plus d’espoir, c’est avec réalisme et nostalgie que ce grand universitaire évoque tout d’abord les atteintes envers la dignité de chacun (aujourd’hui reconnues pour ce qu’elles sont : des actes insupportables ), mais aussi par la suite, avec un enthousiasme contenu, cette Europe dont on parle tant, porteuse d’espoirs et de désillusions.
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Qu’espère-t-il de cette Europe dont il a étudié en profondeur la littérature du passé ? S’il avoue (« comme tout le monde » nous dit-il) qu’elle a toujours suscité en lui un grand espoir, il reconnait cependant qu’elle semble aujourd’hui, non pas finie, mais « faite ».
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Un aboutissement qui serait accompagné pour ce grand médiéviste d’une déception, déception devant toutes les « choses essentielles qui ne sont pas venues » et devant l’« accessoire » qui, lui, s’est trop souvent invité.
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Français : Michel Zink au Collège de France en...

Français : Michel Zink au Collège de France en avril 2009. (Photo credit: Wikipedia)

Mais l’espoir demeure, espoir en une Europe unifiée derrière une très riche tradition littéraire, en atteste le bel ouvrage auquel Michel Zink a participé, Identité littéraire de l’Europe (dirigé par Marc Fumaroli). Car si l’Europe a en effet été un jour unie, c’est parce qu’elle a existé et s’est définie à travers une littérature et une vie intellectuelle « communes ».
Le Moyen Âge, période de conflits constants, s’est révélé être une époque où l’unité de l’Europe (en particulier de l’Europe latine) allait de soi. Il y avait bien une Europe dans la littérature du Moyen Âge, littérature latine homogène à tout le continent européen, mais également au sein des langues vernaculaires qui se plaisaient à se traduire et à s’imiter les unes les autres en permanence.
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La littérature devint ainsi un lien universel entre tous les peuples : il n’était pas étonnant qu’un roi de Norvège envoie un de ses émissaires en France pour en apprendre plus sur les troubadours, ou que ce même roi fasse traduire systématiquement en norrois la littérature française, à tel point que certaines œuvres perdues ont été retrouvées grâce aux traductions scandinaves.
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La littérature aurait-elle alors vocation à traduire l’âme d’un pays, voire même d’un continent ? Michel Zink, en se gardant bien d’une vision purement romantique de la question (rappelons que les Romantiques voient dans la production littéraire un moyen pour le peuple d’exprimer son génie), met en avant l’aspect concret des œuvres littéraires, véritable reflet de la vie, des préoccupations et de la sensibilité des groupes humains.
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En quelques mots Michel Zink livre donc à Jacques Paugam et au public sa conviction « essentielle » : la littérature contient la mémoire d’une identité commune, identité notamment européenne qu’il serait important de ne pas oublier en ces temps agités.

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patrick

sources

http://www.canalacademie.com/

Portrait d’André Vauchez Historien

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Portrait d’André Vauchez

Historien de la spiritualité médiévale

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Historien du catholicisme, spécialiste des spiritualités et mouvements religieux au Moyen Âge, et académicien depuis onze ans, André Vauchez n’est pas de ces savants qui réservent le fruit de leurs recherches aux cénacles scientifiques. Au contraire, formidable pédagogue, il se montre soucieux de confronter sa connaissance du monde médiéval au monde contemporain, afin d’être utile à tous. En un mot transmettre.

Portrait d'André Vauchez

André Vauchez

© Stéphane Ouzounoff


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Il suffit de lire sa biographie de François d’Assise ou le Dictionnaire du christianisme qu’il a dirigé, ou de l’écouter pour s’en convaincre, André Vauchez aime transmettre. Le fond demeure scientifiquement rigoureux mais la forme n’hésite pas à recourir aux images contemporaines pour permettre à tout lecteur d’en recevoir le message fondamental. C’est avec de tels savants, qui manient avec justesse une Histoire « incarnée » que le lecteur ou l’auditeur a le sentiment de grandir.
Né, en 1938, d’une famille longtemps marquée par les blessures allemandes (son père l’orienta vers la langue de Shakespeare plutôt que vers celle de Goethe), André Vauchez, lycéen à Strasbourg, a la chance de se frotter au père Congar exilé là tout en bénéficiant de la protection d’un évêque éclairé, Jean-Julien Weber.
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L’excellence a un temple – l’École normale supérieure de la rue d’Ulm –, une contrainte – l’agrégation – et une mission – l’enseignement dans le secondaire. André Vauchez connaît les trois, fort brièvement pour la troisième. Dès 1965, il rejoint l’École française de Rome, où dominent les latinistes, où s’imposent les archéologues, où les historiens sont alors tolérés.
Historien, André Vauchez l’est passionnément devenu, grâce notamment à Michel Mollat (1911-1996), rencontré en licence et sous l’autorité duquel il prépare son mémoire de maîtrise puis sa thèse – plus tard, il le rejoindra comme assistant à la Sorbonne. Loin des spécialisations à outrance désormais en cours, Michel Mollat touche à l’histoire économique, maritime, sociale (les pauvres au Moyen Âge), ou religieuse.
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Fort d’apports aussi contrastés que ceux de Jacques Le Goff (né en 1924), qui dispense rue d’Ulm un cours « éblouissant » sur le travail au Moyen Âge, ou d’Henri-Irénée Marrou (1904-1977) et d’Alphonse Dupront (1905-1995) en Sorbonne, André Vauchez fait son miel en une ruche qu’il se choisit : les archives du Vatican. Là et en quelques autres lieux, il élabore sa thèse d’État, soutenue en 1978 après treize années de labeur : La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques.

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Agent de liaison
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Une telle optique apparaît à l’époque inenvisageable pour des études historiques françaises qui maintiennent dans leur angle mort la notion de sainteté, affaire confessionnelle ne regardant que les théologiens. Toute insertion universitaire et scientifique en la matière semble illusoire de ce côté-ci des Alpes, tandis qu’au-delà les universités italiennes, « paradis pour l’histoire religieuse », mettent l’accent dès les années 1960 sur le prophétisme, les mouvements apocalyptiques ou millénaristes, le surnaturel.
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Agent de liaison entre les deux historiographies nationales, André Vauchez s’avère en outre longtemps proche de l’école des Annales, tout en ne rejoignant pas son bastion (l’École des hautes études en sciences sociales), préférant s’en tenir à l’université (Rouen puis surtout Nanterre). À partir des années 1980, une débauche de structuralisme, une soif de modélisations et de théories, éloignent celui qui préfère se définir comme un « tâcheron » plutôt que comme un « philosophe » de l’histoire.
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Ses recherches lui vaudront un succès inattendu aux États-Unis d’Amérique, où fleurissent les études de genre (« gender studies ») développées par le mouvement féministe. André Vauchez a en effet abordé de front la question des saintes (Catherine de Sienne, Jeanne d’Arc), mais également celle de la pression laïque sur l’Église médiévale en une époque de tension entre « religion vécue » et « religion prescrite », durant laquelle les femmes jouèrent un rôle déterminant.
La tentation biographique a fini par atteindre André Vauchez, tout comme elle avait touché les codirecteurs des Annales (Jacques Le Goff avec son Saint Louis, Marc Ferro avec ses Nicolas II et Pétain) et cela donne, en 2009, François d’Assise, entre histoire et mémoire (éd. Fayard), ouvrage remarquable de rigueur inspirée, qui démontre avec hauteur et familiarité que « la vérité d’un personnage historique n’est pas séparable de sa transmission ».
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Rompant avec l’iconographie simplement illustrative, ce livre fait face aux images et leur donne un statut égal aux textes, les arrachant par là au monopole longtemps assoupi des historiens de l’art, confinés dans des questions de datation et d’attribution.

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Partisan de la confrontation intellectuelle tant qu’elle ne dégénère pas en querelles personnelles ni en polémiques publiques, André Vauchez a vécu, à la fin du XXe siècle, les trente glorieuses de Clio, dans le sillage désormais disparu des ventes mirifiques en librairie de Montaillou village occitan (1975) d’Emmanuel Leroy Ladurie, le plus fort tirage jamais atteint par un ouvrage savant.

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Entre Paris et Rome
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L’histoire est ogresse devenue, se repaissant d’autres sciences, dont l’anthropologie. André Vauchez rappelle que sa génération a réinterprété ce qu’elle avait reçu. Il cite Les Rois thaumaturges (1924) de Marc Bloch, ouvrage audacieux et tenu en lisière, jusqu’à sa réédition, un demi-siècle plus tard, nanti d’une préface de Jacques Le Goff, qui devait lui faire enfin rencontrer un lectorat mérité.
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Les tâches aussi honorables que prenantes n’ont pas manqué à André Vauchez, notamment lorsqu’il dirigea, de 1995 à 2003, l’École française de Rome (déjà modernisée avant lui par Georges Vallet entre 1970 et 1983). Il aura donc passé, en tout, dix-huit ans à Rome (il avait dirigé sept ans les études de la section médiévale de l’École française dans les années 1970). La vie de ce chrétien profondément attaché au concile Vatican II, dont il observa les premiers effets en 1965 comme membre d’une École qu’il devait diriger trente ans plus tard, apparaît en miroir de ses recherches sur le renouveau laïc dans la foulée de la réforme grégorienne.
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Homme d’innombrables articles aussi pointus que panoramiques, André Vauchez aspire aujourd’hui aux vastes synthèses à propos de recherches qui cheminent en lui depuis quelques décennies, ainsi le prophétisme judéo-chrétien à travers les âges, les hérésies, les pèlerinages.
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Comme pour l’accompagner dans le renouvellement de telles problématiques, les cloches de l’église Saint-Léon voisine résonnent dans son appartement parisien, même si elles émanent d’un clocher aux allures elliptiques d’Europe du Nord et donc en forme de pied de nez à ce Romain de cœur, de raison et de foi.

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Biographie

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1938 Naissance à Thionville
1958 Intègre l’École normale supérieure
1962 Agrégé d’histoire
1965-1968 Membre de l’École française de Rome.
1968-1972 Assistant, puis maître-assistant d’histoire du Moyen Âge à la Sorbonne
1972-1979 Directeur des études médiévales à l’École française de Rome
1980-1995 Professeur aux universités de Rouen puis (1983) de Nanterre
1998 Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
1995-2003 Directeur de l’École française de Rome

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Bibliographie

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La Spiritualité du Moyen Âge occidental VIIIe XIIIe siècle, éd. PUF, 1975, rééd. Points-Seuil, 1994.
La Sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge (1198-1431), éd. École française de Rome, 1981.
Les Laïcs au Moyen Âge, pratiques et expériences religieuses (recueil d’articles), éd. du Cerf, 1987.
Saints, prophètes et visionnaires. Le pouvoir du surnaturel au Moyen Âge (recueil d’articles), éd. Albin Michel, 1999.
François d’Assise, éd. Fayard, 2009.

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patrick

sources :
http://www.mondedelabible.com

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Les Belles Heures du duc de Berry
Splendeurs du Moyen Âge
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Le Metropolitan Museum de New York a prêté au Louvre (Paris) ce livre de prières enluminé.

C’est un somptueux témoignage du foisonnement artistique à Paris au début du XVe siècle.

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Lle duc Jean de Berry (1340-1416) faisait partie du Conseil de régence sous le triste règne de son neveu Charles VI le Fou.

Prince des arts, c’était l’un des plus importants collectionneurs de son temps (tapisseries, pièces d’orfèvreries, pierres précieuses et bien sûr manuscrits).

Il aimait les ouvrages richement enluminés, le plus célèbre étant les Très riches heures du duc de Berry, un livre de prières abrité au château de Chantilly (Oise), connu pour ses miniatures en pleine page qui illustrent les mois de l’année et les constellations.

Un festival de motifs floraux
Les Belles heures appartiennent quant à elles à la collection d’art médiéval du Cloisters Museum (musée des cloîtres), qui présente plusieurs monastères d’Europe, reconstruits sur les bords de l’Hudson, à Manhattan .

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Les Belles Heures du duc de Berry

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Moins clinquant que le précédent, ce livre d’heures est issu comme lui de l’atelier des frères Limbourg, Paul, Jean et Herman.

Ses 47 feuillets enluminés représentent des scènes classiques de la Bible. Ils échappent à la monotonie grâce à la variété de la composition et des motifs floraux.

Les organisateurs ont tiré profit de la réfection de la reliure pour présenter les pages deux par deux dans un cadre sous verre de façon à offrir une vision de l’ensemble des enluminures. Un régal visuel qui nécessite cependant une attention soutenue car les images sont petites et l’éclairage tamisé.

Cette belle exposition est à découvrir dans la foulée de celles consacrées à la restauration de La Vierge à l’Enfant avec sainte Anne de Léonard de Vinci et aux trésors de l’Arles antique.
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Les frères de Limbourg (XVe siècle)
Les Très Riches Heures du duc de Berry
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Ce livre de prières a été conçu par l’atelier des frères de Limbourg, Paul, Jean et Herman, sur une commande du duc Jean de Berry (1340-1416), l’un des frères du roi Charles V le Sage. Sa réalisation s’est étendue de 1410 à… 1485.

Les frères de Limbourg étant morts la même année que leur mécène, le duc de Berry, en 1416, le travail fut poursuivi par d’autres enlumineurs, comme Barthélémy d’Eyck, originaire des Flandres, et Jean Colombe, établi en Savoie. Achevées quand émerge l’imprimerie, les Très Riches Heures du duc de Berry sont le chant du cygne de l’enluminure, du moins en Occident (les artistes iraniens prolongeront cet art jusqu’au XVIIe siècle). Elles sont conservées au musée Condé, à Chantilly.

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L’Hiver
                
Le Printemps
                
L’été
                
L’Automne
                
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Le manuscrit des Très Riches Heures comporte 206 feuillets de 29×21 cm, dans une reliure du XVIIIe siècle. Il présente 65 petites miniatures et 66 miniatures en pleine page, dont les douze ci-dessous, en tête de l’ouvrage, qui illustrent les mois de l’année et les constellations. Les couleurs viennent de pigments d’origine végétale ou minérale, en particulier le minium, oxyde de plomb de couleur rouge d’où dérive le mot miniature ! Leur éclat est rehaussé par l’application d’or peint, or bruni ou argent.

((André Larané et Philippe Prieur
hérodote.net))

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patrick

sources :
hérodote.net